Ernst Bloch

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Ernst Bloch est l'une des grandes figures de l'hétérodoxie marxiste... si ce n'est de l'hétérodoxie en général. Marxiste athée, ses livres sont parcourus d'exégèse biblique, de références à l'eschaton aussi bien qu'au Fils de l'Homme ou à Thomas Münzer ; ce qui explique les réticences qu'il a suscitées, aussi bien chez les théologiens (y compris chez les théologiens protestants du XX° siècle liés au courant de la théologie dialectique, desquels il peut, par bien des aspects, être rapproché) que chez les marxistes. Sa formule, souvent citée : "seul un athée peut être un bon chrétien et seul un chrétien peut être un bon athée" n'est chez lui pas une boutade, mais le reflet d'une doctrine fondée sur une "transcendance sans transcendance" (qui n'a par ailleurs rien d'une "religion sans Dieu"). Comme l'indique l'un de ses principaux traducteurs et défenseurs en France à l'heure actuelle, Arno Münster, Bloch "reste profondément religieux là encore où il affirme son adhésion au matérialisme athée." (Figures de l'Utopie...)

Le parcours historique d'Ernst Bloch est fascinant : antinationaliste dans l'Allemagne des années 20, anti-nazi en Allemagne (et ailleurs) dans les années 30, marxiste aux Etats-Unis dans les années 40, rédacteur, dans un isolement radical, et tandis que toutes les raisons d'espérer un avenir socialiste tel qu'il l'entend semblent s'effondrer... du Principe espérance ; enfin, opposant au marxisme stalinien dans la RDA des années 50.

On peut aborder la pensée d'Ernst Bloch comme on aborde celle de Paul Tillich, mais sous un angle inversé. L'un et l'autre se sont tenus "sur le seuil" qui distingue la philosophie de la théologie ; et il n'est même pas possible de dire que l'un (en tant qu'athée) se serait tenu du côté philosophique, alors que l'autre (en tant que chrétien) se serait tenu du côté théologique. Que l'un ait été identifié comme marxiste, et l'autre comme protestant, a sans doute joué dans leur succès (et insuccès) respectifs aux Etats-Unis. Mais cette classification ne rend justice à la pensée d'aucun des deux. Et s'il est vrai qu'eux-mêmes n'ont laissé dans leurs oeuvres que très peu d'indices du dialogue qui s'établit entre leurs perspectives, leurs concepts, voire leurs centres d'intérêt (comme l'expressionnisme), et bien sûr leurs engagements (contre le nazisme, pour le marxisme) leurs deux trajectoires intellectuelles se rejoignent dans la quête commune de ce que l'on pourrait appeler une dé-positivisation (qui est donc aussi re-spiritualisation) du marxisme, et d'une "socialisation" du christianisme. Comme l'a écrit celui qui fut un compagnon de route dans la vie d'Ernst Bloch, sans pour autant être resté son ami, Théodor Adorno : "Bloch est théologien et socialiste, mais il n'est pas un socialiste religieux (...). Ce qui fait de Bloch un mystique, c'est l'unité paradoxale de la théologie et de l'athéisme" (Notes sur la litérature).

Pour ceux qui ne connaîtraient pas Ernst Bloch (qu'il ne faut évidemment pas confondre avec son homonyme Marc, quoique tous deux soient marxistes), nous citerons en introduction la dédicace que Jean-Michel Palmier, le grand historien de l'expressionnisme, lui a offerte au début de L'expressionnisme comme révolte :

A la mémoire d'Ernst Bloch
 
Qui dans sa jeunesse a partagé les rêves et la révolte de l'Expressionnisme et ne l'a pas renié.
Qui a écrit L'Esprit de l'Utopie, pendant la guerre de 1914, en songeant aux symphonies de Mahler.
Qui a tenté en vain de réconcilier le Capital de Marx, l'Apocalypse et la mort.
Qui s'est disputé avec Lukàcs à propos des Chevaux bleus de Franz Marc
Qui a préconisé la chanson de Jenny-la-fiancée-du-Corsaire de L'Opéra de Quat'sous comme hymne national, car c'est une musique qui tient le milieu entre le bar et la cathédrale.
Qui affirme que seuls les enfants sages et les jeunes filles de bonne famille peuvent comprendre le sens de la chanson de Jenny car en chacun et en chacune se cache un incendiaire.

Qui n'a cessé de rester fidèle aux rêves de sa jeunesse, en affirmant que la lutte au nom de l'utopie, la volonté invincible de construire un monde nouveau, même lorsqu'elles sont momentanément vaincues, demeurent révolutionnaires.

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L'esprit de l'utopie (1918, 1923)

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La lutte, pas la guerre. Ecrits pacifistes radicaux (1918)

 

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Le Principe Espérance (1938-1947)

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L'athéisme dans le christianisme (1968)