Thomas Mann, la guerre des mots
Thomas Mann, le langage et la guerre : de l'apolitique au "citoyen du monde"
Extrait : Pour Thomas Mann, l’artiste doit intervenir dans le domaine des idées politiques, non pas parce que la littérature serait politique, mais parce qu’elle ne doit précisément pas l’être ; la pensée politique véritable est toujours orientée dans son parcours, dans son combat, vers l’horizon d’une dépolitisation de l’esprit. Sauvegarder l’indépendance de l’art, sa liberté, son ancrage dans la culture auquel l’auteur appartient, c’est savoir lutter pour conserver l’authenticité d’une identité nationale, combattre pour le maintien de la liberté et la préservation de la culture. Or, pour Thomas Mann, un tel combat doit s’appuyer sur une compréhension adéquate des relations culturelles et politiques établies entre les différents pays d’Europe ; c'est-à-dire principalement : comprendre la signification philosophique du premier conflit international, la « guerre allemande », signification qui l’oppose directement à ce que fut, pour l’Allemagne, la seconde guerre mondiale. La préservation du domaine propre de l’écriture repose donc sur une appréhension légitime de ce phénomène-type des relations de l’Allemagne et du monde dans la première partie du XX° siècle, qu’est le phénomène de la guerre.
Mais, inversement, la compréhension de ce phénomène ne peut être menée à terme que si l’on saisit le statut du langage, le rôle du langage au sein du phénomène de la guerre ; le fondement d’un conflit inter-national ou de sa résolution n’est jamais le fruit, pour Thomas Mann, ni de l’esprit, ni des masses populaires, considérés séparément. Thomas Mann ne croyait d’ailleurs ni aux « actions collectives parmi les intellectuels », prônées par son frère, ni à « l’héroïsme des petites gens ». Tout conflit, toute révolution provient d’une corrélation entre la masse des peuples et l’esprit d’une époque, que cet esprit soit l’émanation spirituelle d’une identité culturelle, ou l’instrument démagogique d’une prise de pouvoir ; il en va de même pour les tentatives de résolution des conflits, ou pour la détermination des conséquences légitimes d’une révolution. Or le point nodal de cette articulation, pour Thomas Mann, c’est le langage.
La pensée de la guerre, la pensée du langage, sont ainsi deux perspectives adoptées sur une même dialectique fondamentale, celle de l’esprit et de la vie, de la pensée et de l’action. Or c’est à l’artiste qu’il revient, selon Thomas Mann, de penser l’unité dialectique de ces deux moments philosophiques ; car l’art, « c’est la vie et l’esprit conjugués », c'est-à-dire encore, comme le voulait Goethe, la vie de la vie.
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