Déterminisme social (1)
4) Le déterminisme social
a. Définition
Nous étudions à présent une nouvelle forme de déterminisme, qui va nous conduire à questionner les rapports entre individu et société. Le déterminisme social regroupe l'ensemble des doctrines selon laquelle l'homme n'est pas libre, puisque ce qu'il est (pense / fait...) est déterminé par des forces et mécanismes sociaux qui échappent à son contrôle, et dont il n'est généralement pas conscient.
Pour étudier cette nouvelle forme de déterminisme, nous prenons appui sur un texte de Durkheim, que vous pouvez retrouver ici.
Durkheim... comme en S102
Pour comprendre ce texte, il faut commencer par quelques précisions concernant son auteur, et ses enjeux. Emile Durkheim est un penseur français, situé à la jonction du XIX° et du XX° siècle ; il est l'un des pères fondateurs (avec Max Weber) de la sociologie moderne.
La sociologie, c'est l'étude scientifique des sociétés humaines et du comportement de l'homme dans ces sociétés. C'est un domaine qui n'apparaît pas à la fin du XIX° siècle, mais qui subit néanmoins une transformation profonde, analogue à celle que l'on retrouve dans une autre discipline : la psychologie. On faisait déjà de la sociologie avant Durkheim (comme on faisait de la psychologie avant Freud) ; mais un lecteur du 21e siècle aura parfois bien du mal à y reconnaître ce que nous considérons aujourd'hui comme un travail sociologique. Pourquoi ?
Durkheim est un penseur qui s'inscrit dans le prolongement de l'un des courants de pensée le plus importants du 19e siècle : le positivisme, que l'on peut rattacher au nom d'Auguste Comte, un philosophe français du XIX° siècle. Le principe fondamental du positivisme, c'est que le seul savoir véritable est le savoir scientifique. Tout ce qui ne peut pas être objet de science ne peut pas vraiment être l'objet d'un savoir, et un savoir qui n'est pas scientifique n'est pas réellement un savoir.
Auguste Comte
Si, donc, la sociologie veut être un domaine du savoir, elle doit être une science à part entière. Or une science est définie par deux éléments :
a. un domaine d'objets. Toute science est science de quelque chose, d'un domaine particulier de faits. Ainsi, l'astronomie est la science des astres, la biologie est la science du vivant, l'arithmétique est la science des nombres, etc.
b. une méthodologie. Toute science, pour être une science, doit reposer sur une certaine méthode de recherche et de validation des énoncés. Ainsi, par exemple, les mathématiques reposent sur la démonstration (construction d'un énoncé à partir d'un système d'axiomes).
En ce qui concerne la méthodologie, la question est vite tranchée pour Durkheim. Car, si l'on exclut les mathématiques et la logique, qui constituent un domaine à part, toutes les sciences reposent sur la MÊME méthode, qui est la seule et unique méthode scientifique : la méthode expérimentale. Cela aussi, c'est un héritage du positivisme : le savoir scientifique repose sur la mise en oeuvre de la démarche expérimentale. C'est-à-dire ?
Claude Bernard, né le 12 juillet 1813... à Saint Julien (en Beaujolais)
On peut décomposer la méthode expérimentale, définitivement théorisée par Claude Bernard (médecin et théoricien des sciences) en 4 temps :
1. On part de l'observation d'un ensemble de faits.
2. On cherche à rendre compte des observations en formulant une hypothèse
3. On invente et on réalise une expérience qui permet de tester la validité de l'hypothèse (le principe est le suivant : "si mon hypothèse est juste, alors, en faisant telle manipulation, je dois obtenir tel résultat")
4. On confronte les résultats obtenus avec les prévisions théoriques : si les prévisions sont démenties par les résultats effectivement obtenus, c'est que l'hypothèse est fausse (on dit qu'elle est "falsifiée") ; si les prévisions sont confirmées... c'est un peu plus compliqué, et nous en reparlerons plus tard !
Claude Bernard, testant son hypothèse (incontournable) concernant les urines de lapin
Encore une fois, dans l'esprit des scientifiques de la fin du XIX° siècle, ceci n'est pas une méthode scientifique, ou la méthode scientifique d'une science : c'est LA méthode scientifique, qui vaut aussi bien pour les sciences physiques que pour la chimie, la biologie ou la médecine. Et Durkheim est tout à fait d'accord : si la sociologie est bien une science, alors elle doit satisfaire les exigences de la méthode expérimentale. Et si l'on objecte que le sociologue, contrairement au physicien ou chimiste, ne peut guère faire "d'expériences en laboratoire", en cultivant des sociétés sous cloche de manière à en contrôler les paramètres, Durkheim répond que le sociologue peut néanmoins tester ses hypothèses, en recourant à des études statistiques. Pour Durkheim, les études statistiques sont à la sociologie ce que les expériences en laboratoire sont au physicien.
La question de la méthodologie est donc réglée. Reste la question du domaine : y a-t-il un groupe de faits qui constituerait le domaine propre de la sociologie ? Y a-t-il des phénomènes qui ne sont l'objet d'aucune autre science, et qui relèverait en propre de la sociologie ? Pour montrer que la sociologie est une science à part entière, Durkheim doit montrer qu'il existe des faits qui n'appartiennent ni au domaine de la biologie, ni au domaine de la psychologie, ni au domaine de la géographie, mais qui exigent une approche spécifiquement sociologique.
Y a-t-il des faits de ce genre, et lesquels ?
C'est à cette double question que répond notre texte.
Avant de passer à l'étape suivante, faites le quiz !
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