Cahier de textes 1ere HLP (mercredi)
Vous trouverez ici le cahier de textes des 1eres HLP (groupe du mercredi). Pour des raisons de commodité, il est présenté sous une forme blog : la dernière date renseignée se trouve donc en haut du document. J'ajoute parfois des liens internes, que vous pouvez consulter pour obtenir des précisions sur le contenu d'une séquence. Si quelque chose vous laisse perplexe (point de cours, élément de méthodologie, etc.) n'hésitez pas à mobiliser l'espace posez vos questions...
Confinement : à partir du 2 novembre, du fait de l'alternance présence / distance mise en oeuvre au lycée, chaque groupe trouvera dans son espace la progression qui le concerne. Le cahier de texte n'est plus mis à jour, chaque séquence étant décrite dans l'espace correspondant.
07 octobre : Nous entamons à présent la partie C.2. du cours. Après avoir montré en quoi le langage est le support de développement de la première caractéristique naturelle de l'homme (la pensée rationnelle), nous nous tournons maintenant vers la seconde caractéristique : la dimension sociale et politique de l'être humain. En quoi le langage est-il le support du développement social et politique dce l'homme ?
Nous commençons par rappeler en quoi l'homme peut être considéré comme un animal social, mais aussi en quoi il est un animal politique (qui a besoin de vivre dans des sociétés dans lesquelles les interactions humaines sont régies par des règles de droit, garantes de la justice).
a) Langage et société
Nous partons d'une idée simple : le langage est le support fondamental du rapport social, en tant que ce rapport est avant tout un rapport de communication. Les rapports sociaux, en tant que rapports entre "sujets", est d'abord et avant tout un rapport linguistique : les hommes parlent, se parlent, s'informent, échange des politesses, des ordres, des directives, des lettres d'amour, des injures,etc. On peut penser une société sans rapports physiques entre les hommes (Isaac Asimov l'a imaginé), mais une société sans comunication verbale entre les hommes ne serait pas une société (et il est d'ailleurs probable que les hommes y perdraient ce qui fait leur humanité, ce que nous illustrons avec le film Seul au monde, et la nouvelle de Stefan Zweig, Le joueur d'échecs.)
Par ailleurs, le recours au langage ne permet pas seulement de s'exprimer et de communiquer : il permet de "se comprendre", et de se faire comprendre, par les membres de la communauté à laquelle on appartient. "Nous parlons le même langage", "nous nous comprenons", "je vous entends" : autant de formules qui indiquent que la communauté linguistique cimente la communauté sociale. On comprend ainsi par opposition que la "mésentente", "l'incompréhension", les "malentendus" sont en revanche des facteurs de discorde entre les individus. Nous illustrons cette idée à l'aide du mythe de la Tour de Babel (si Dieu a créé la diversité des langues, c'est parce qu'il a voulu la discorde entre les hommes).
Nous illustrons cet enjeu par le rapport entre revendication identitaire et revendication linguistique : d'une part, la construction de l'identité nationale en France s'est constituée, près la Révolution française, sur la destruction des langues locales (ex : le breton, interdit à l'école) au profit de la langue nationale ("le français") : pour former une communauté nationale, il fallait construire la communauté linguistique. Inversement, les revendications communautaires prennent toujours appui sur une revendication linguistique (sauvegarde du patrimoine en langue bretonne, basque, etc.)
On comprend ainsi que toute comunauté tende à produire "son" langage, qui fonctionne comme un marqueur (volontaire ou non) d'appartenance à la communauté. Il y a une "langue des savants" comme il y a une "langue des banlieues", une "langue populaire", une langue des jeunes, etc. Parler une certaine langue, c'est manifester et / ou revendiquer son appartenance à une certaine communauté. Ainsi, un certain vocabulaire (argot, verlan), une certaine syntaxe, un certain accent peuvent marquer immédiatement l'appartenance sociale d'un individu. La langue est donc un facteur de socialisation, mais aussi "d'intégration" communautaire.
Ce dernier point nous conduit à marquer la relation entre langue et identité culturelle. Si nous rappelons que tout individu pense dans une langue, et que la langue n'est jamais une création de l'individu (c'est la société qui est l'auteur de la langue), il faut admettre que l'individu pense dans un matériau qui a été fabriqué par la société. En ce sens, la pensée individuelle est socialement déterminée par la langue.
Or une langue n'est jamais neutre d'un point de vue "idéologique". Toute langue absorbe, intègre, exprime et véhicule la "culture" (la vision du monde, lamanière de vivre) de la communauté qui la parle. La langue est l'instrument qui permet de "classer" les choses du monde, de les répertorier, mais aussi de les hiérarchiser. A travers ses classifications et ses hiérarchisations, la langue exprime donc les priorités de la communauté. Nous illustrons cette idée avec le cas de la langue française. L'une des deux propriétés fondamentales d'un nom (commun), en français (l'autre étant le nombre : singulier /pluriel) est le genre. Désigner une chose, c'est d'abord la classer dans l'une de ces deux catégories fondamentales : le masculin, le féminin. Cette disctinction 'est pas neutre: elle exprime déjà une cerraine vision du monde, qui fait du genre un élément fondamental de tout être. Mais la langue exprime également ce qu'est la catégorie supérieure : d'un point de vue grammatical, "le masculin l'emporte". Un seul élément masculin suffit à transformer un collectif féminin en "ils", l'accord se fera donc au masculin, etc. Cette domination du masculin se retrouve même dans le vocabulaire : la plupart des termes qui désignent une fonction d'autorité ou de prestige sont masculins : le chef, l'auteur, le penseur, le Proviseur, etc. C'est donc une vision du rapport entre l'homme et la femme qui est véhiculée par la langue française (qui apparaît ici notoirement misogyne). Et si l'individu pense dans cette langue, il pense donc dans un matériau qui fait du genre une propriété fondamentale de tout être, et où le genre masculin est dominant.
En ce sens, apprendre une langue, c'est apprendre bien plus que du vocabulaire ou de la grammaire: cest apprendre la vision du monde, la culture de la communauté qui parle cette langue ; s'approprier une langue, c'est s'approprier une identité culturelle, c'est "s'acculturer".
b) Langage et politique
Nous envisageons à présent le rôle que le langage peut jouer dans le développement de l'humanité de l'homme en tant qu' "animal politique". Quel rôle joue alors le langage dans cette nature "politique" de l'animal humain ?
Là encore, nous partons d'une idée simple : l'institution chargée de dire le juste et l'injuste dans la Cité grecque, c'est le droit. Or le droit, c'est du langage. C'est l'une des grandes découvertes de la Grêce antique que d'avoir remplacé des règles orales, appartenant à un petit groupe social (seul habilité à les conserver... et à les prononcer), par le "droit positif", c'est-à-dire un système de règles publiques, accessibles à tous, et auxquelles chacun peut se réferer pour faire valoir ses droits. La Cité grecque est le lieu d'éclosion des "textes de loi" en tant que textes publics ("nomos"), qui régissent les rapports sociaux au sein de la société. Nous soulignons que chaque Cité de la Grèce antique est fière de sa Constitution, dont elle réfère généralement la rédaction à un Père fondateur (Lycurgue à Sparte, Solon à Athènes, etc.)
Cette nature publique du droit se renforce évidemment dès que nous entrons dans une république, et plus encore si celle-ci se veut démocratique. Ce qui caractérise une République (qui signifie en latin : "chose publique"), c'est que la politique y est l'affaire du peuple pris dans son entier, une chose qui regarde tout citoyen ; et si nous intégrons le principe fondamental de la démocratie, nous pouvons ajouter que tout citoyen se doit de participer à l'élaboration du droit. C'est précisément dans cette participation que le citoyen assume et affirme sa citoyenneté ; être citoyen dans une démocratie, c'est participer au débat public, prendre la parole.
L'espace linguistique (celui de l'échange, de la discussion, du débat, de la délibération, et enfin celui du vote par lequel le citoyen fait entendre sa "voix") devient ainsi l'espace politique par excellence, celui dans lequel la prise de parole devient l'acte civique essentiel.
Mais le droit n'est pas seulement ce au sujet de quoi on délibère ; dans la démocratie athénienne, le citoyen n'est pas seulement celui qui contribue à l'élaboration des lois : il est aussi celui qui, à tout moment, peut citer à comparaître un autre citoyen pour non-respect des lois. Nous insistons sur le fait que, dans la démocratie athénienne, il n'y a pas de "ministère public": c'est aux citoyens que revient la charge de veiller au respect des lois et d'accuser ceux qui commettent des infractions. Être citoyen, c'est donc participer à l'espace judiciaire, en tant qu'accusateur, ce qui explique la présence de ces personnages ambivalents : les sycophantes. Le sycophante est un citoyen dont la profession est d'accuser ceux qui ne respectent pas les lois (s'il gagne le procès, il reçoit une partie de ce que doit verser l'accusé). Il s'agit d'un personnage ambigu, dans la mesure où si, d'un côté, le civisme est son métier (il passe son temps à veiller au respect des lois), de l'autre il ne le fait pas, justement, par civisme mais par intérêt personnel.
Être citoyen, c'est donc également être susceptible d'être accusé (éventuellement par un sycophante), et donc devoir prendre la parole au tribunal pour se défendre. Nous insistons sur le fait qu'aucun citoyen de jouit de "l'impunité" à Athènes : même les citoyens les plus prestigieux peuvent être cités à comparaître (on pourrait même dire que plus les citoyens occupent une place de premier plan, et plus ils risquent de se retrouver mis en accusation). Car à Athènes (contrairement à ce qu'il se passera à Rome, où la défense sera confiée à un "patron", à un protecteur qui engage sa propre renommée dans le procès), c'est l'accusé qui doit assurer lui-même sa propre défense. D'où l'existnce d'un second personnage, le "logographe" (également assez mal vu), chargé de rédiger les plaidoyers que les citoyens réciteront ensuite devant le tribunal.
Nous concluons donc en affirmant que si, aux yeux de l'Antiquité, un homme n'est pleinement humain que s'il exprime sa nature politique, il ne peut la développer et la mettre en oeuvre qu'en participant à la vie politique par des prises de parole.
30 septembre : Nous terminons le parcours du texte de Kant en soulignant le rôle de la liberté d'expression : le seul moyen de permettre aux individus d'apprendre à penser par eux-mêmes, c'est de permettre la circulation des idées et des argumentaires : car ainsi ceux qui pensent pourront communiquer leurs raisonnements à un public qui, de ce fait, apprendre à produire son propre jugement.
Nous passons ensuite à la construction de la réponse à la question d'interprétation. La lecture du texte a fait apparaître un cheminement logique : (1) le but des Lumières est bien l'émancipation du peuple, qu'il s'agit de mener vers la "majorité" ; (2) ceci implique que chaque individu se mette à "penser par lui-même", à faire usage de sa liberté de pensée, en produisant son propre jugement ; (3) ceci à son tour n'est possible que si l'Etat garantit la liberté d'expression. Il apparaît donc que la réponse à la question posée implique l'ensemble du texte.
Le premier axe de réponse que nous sélectionnons est le suivant : [1] Pour conduire les hommes à la liberté, il est nécessaire de les conduire à penser par eux-mêmes. Pour expliquer cette affirmation, il est nécessaire de clarifier le sens du terme de "liberté" pour Kant. Nous montrons que si la liberté consiste bien à "faire ce que l'on veut", cette déginition n'est correcte que si l'on distingue volonté et désir. Comme l'indique l'exemple de l'alcoolique, l'homme libre n'est pas celui qui obéit à tous ses désirs : il est au contraire celui qui est capable de leur résister ("j'ai envie de boire") pour mieux accomplir sa volonté ("je veux arrêter de boire"). Mais si la volonté n'est pas commandée par le désir, par quoi l'est-elle ? Là encore, l'exemple de l'alcoolique nous sert de support : ce qui peut conduire l'alcoolique à vouloir arrêter de boire, ce sont aussi bien les anticipations concernant les effets de l'alcool sur sa santé, que des anticpations concernant sa vie professionnelle, familiale, etc.
Si.... alors.... C'est donc bien la raison qui indique à l'homme qu'il doit arrêter de boire : la volonté est déterminée par la raison. Ce que je veux, c'est ce que ma raison m'indique être le choix le plus rationnel (le plus intelligent, le plus efficace, le plus stratégique, le plus pertinent, le plus adapté aux buts que je poursuis, etc.) et le plus raisonnable (le plus légitime, le plus juste, le plus moral). Être libre, ce n'est pas obéir à ses désirs, c'est agir conformément à ce que je pense être le meilleur choix.
La justification de l'affirmation est alors évidente : si la liberté exige que j'agisse en fonction de ce que je pense être le meilleur choix, je ne peux être libre que si j'ai débord fait l'effort de penser par moi-même, pour savoir, justement, ce que "je pense". Nous illustrons ce point avec l'exemple du vote : un vote n'a de sens que s'il est libre, et le vote libre est celui qui correspond à ce que je pense être le meilleur choix. Un vote n'a donc de sens que pour un individu capable de penser par lui-même, qui assume sa "majorité".
Le deuxième axe de réponse est le suivant : penser par soi-même n'est possible que dans une société dans laquelle la liberté d'expression est garantie.
Là encore, la clarification du sens de la "liberté d'expression" nous sert de porte d'entrée : cette formule désigne le fait de pouvoir faire un "usage public" de sa raison, de diffuser publiquement les idées et les raisonnements qui sont les nôtres. Nous rappelons alors ce que nous avions établi avec PLATON : la pensée exige un dialogue, nous pensons en confrontant des points de vue différents, des argumentaires opposés. Pour que les citoyens puissent former leur jugement, penser par eux-mêmes, il est donc nécessaire de leur permettre d'accéder à des idées différentes, des argumentaires opposés, ce qui ne sera posible que si on laisse des penseurs différents exposer publiquement leurs idées et leurs arguments.
Nous illustrons ce point avec le cas de la censure et de la propagande, qui nous permet de poser le problème que pose le contrôle des moyens de communication (par l'Etat ou des entreprises privées). Seul peut former son jugement celui qui a accès à des sources et des argumentaires diversifiés, ce qui n'est possible que là où la libefrté d'expression est garantie.
Nous synthétisons alors la réponse de Kant : il faut laisser les gens libres de s'exprimer, car la liberté d'expression est la condition de la formation d'un jugement autonome, sans laquelle la liberté est impossible.
Nous soulignons pour terminer la distinction entre la liberté d'expression ainsi défendue par Kant (le droit reconnu à "ceux qui pensent" de communiquer publiquement leurs pensées) et le sens actuel pris par cette formule. Pour Kant (mais aussi pour Voltaire, etc.) la liberté d'expression ne désigne pas du tout le droit reconnu à n'importe qui de dire n'importe quoi, mais bien la possibilité garantie à ceux qui produisent des raisonnements (les philosophes, les savants, les "intellectuels" en général) de communiquer leurs raisonnements au public. Ce qui, encore une fois, nous ramène à des enjeux contemporains : la libre prolifération des informations et contre-informations (des "fake news") est-elle un bon support pour la formation d'un public éclairé ? Ou faut-il instituer un contrôle préalable ?
23 septembre : Nous présentons la méthodologie de la question d'interprétation. Le but de la question d'interprétation est de repérer, de mobiliser et d'expliquer les éléments du texte qui apportent une réponse à la question posée. Pour chaque élément de réponse sélectionné (2 ou 3), il faudra construire un paragraphe explicatif fondé sur les étapes suivantes :
(a) reformulation, et analyse des mots-clé
(b) explication-justification : on trouve les raisons, les arguments qui soutiennent le propos (qui répondent à la question : "pourquoi?...") ; s'ils se trouvent dans le texte, on les mobilise ; s'ils ne s'y trouvent pas... on les trouve !
(c) illustration par un exemple précis (même remarque)
(d) mise en rapport avec la question posée, ou articulation avec l'élément de réponse suivant.
Le temps imparti (une heure, pour chaque question), auquel il faut retrancher le temps de lecture du texte (qu'il est préférable de lire plusieurs fois...) et le temps de préparation au brouillon (sur lequel on NE DOIT PAS rédiger, mais seulement indiquer et rganiser les principaux éléments que l'on va mobiliser lors du travail de rédaction), indique que la construction de deux (ou trois) paragraphes explicatifs laisse peu de temps pour faire autre chose (introduction, conclusion...).
Nous appliquons la méthodologie au texte de Kant (texte 3 du recueil), dont nous proposons une première approche. Après avoir éclairé l'appartenance de l'auteur (Emmanuel KANT) aux Lumières allemandes (mouvement de l'Aufklärung), nous montrons en quoi le texte répond à la question de savoir ce que désignent, justement, les "Lumières". Les Lumières visent à faire sortir les hommes de l'état de minorité dont ils sont responsables, la "minorité" désignant ici le fait de ne pas être capable de penser par soi-même. Nous indiquons avec Kant ce qui dissuade les sujets (du XVIII° siècle) de "penser par eux-mêmes", notamment dans les domaines politiques et religieux : penser par soi-même, en dehors des chemins balisés par les autorités, est dangereux : le libre-examen du libre-penseur le conduit tout droit au "libertinage", à l'illégalité-criminalité ou à l'hérésie.
Comment conduire les hommes à oser penser par eux-mêmes ? Pour Kant, ce sera chose très difficile pour un individu isolé : comment penser par soi-même dans une société dans laquelle tous sont soumis aux autorités de tutelle ? En revanche, il est possible, il est même nécessaire selon Kant qu'un peuple se mette à faire usage de sa raison, dès qu'on lui accorde la liberté : car alors, certains hommes s'empareront de cette liberté qui leur est reconnue de former leur propre jugement, et leur démarche se répercutera peu à peu dans l'ensemble du corps social.
La question est : comment ? et à quelles conditions ?
16 septembre : B) Humanités et langage. En prenant appui sur le cours précédent, nous montrons en quoi il est logique de débuter un enseignement d'Humanités (notamment son volet philosophique) par la question du langage. D'une part, le langage (que l'on peut définir comme la capacité à s'exprimer et à communiquer à l'aide d'un système de signes conventionnels) appartient bien à la nature de l'homme, à ce qui le caractérise et le différencie de tous les autres êtres vivants. En effet, des trois caractères fondamentaux indiqués par les penseurs de l'Antiquité, on peut retenir : (1) la pensée rationnelle, (2) la parole, et (3) la disposition politique [nous soulignons que les deux premiers sont désignés par le même terme en grec : LOGOS). Mais d'autre part (et c'est ce que nous allons développer par la suite), le langage constitue le fondement de la Culture, dans la mesure où c'est sur lui que repose le développement des autres facultés naturelles.
Il est logique, donc, de commencer un parcours d'Humanités par le langage ; mais pourquoi l'Antiquité ? Là encore, la réponse est triple, et s'articule aux trois caractéristiques fondamentales que nous avons précédemment relevées. C'est dans l'Antiquité que se constituent les "sciences" comme domaines de savoirs rationnels autonomes, mais aussi la "philosophie" (dont nous rappelons qu'elle se définit initialement par l'exercice de la pensée rationnelle) ; c'est dans l'Antiquité qu'apparaît la science / l'art de la parole, comme art de bien parler / persuader : la RHETORIQUE ; et c'est dans l'Antiquité grecque qu'apparaît la démocratie, dont nous verrons qu'elle est le lieu par excellence de la rhétorique (et de son affrontement avec la philosophie). Pensée rationnelle, langage, politique : il est bien logique de débuter les Humanités par la période antique.
C) Le langage et l'humanisation de l'homme. 1) Le langage et la pensée.
a) Pensée et formulation. En prenant appui sur l'analyse d'un texte de Hegel (texte n° 1 du recueil, que vous pouvez télécharger ici : Langage et Humanités), ainsi que sur l'analyse de la formule française selon laquelle penser, c'est "se dire", nous montrons que la pensée consciente est indissociable du langage. Les mots sont les matériaux avec lesquels nous pensons, il est impossible de penser sans recourir aux signes du langage. Une pensée que nous ne pouvons pas formuler, verbaliser n'est en fait pas une pensée du tout : là où l'expression reste confuse, c'est que la pensée reste confuse ; selon la formule de Nicolas Boileau (écrivan du XVII° siècle), "ce qui se conçoit bien s'énonce clairement".
Nous insistons sur le fait que, pour Hegel, cette dépendance de la pensée à l'égard du langage ne doit pas être conçue comme un défaut. C'est au contraire par cette articulation avec le langage que la pensée peut accéder à la précision (en se formulant dans des termes que l'on peut soigneusement définir, et qui deviennent ainsi des concepts) et à la rigueur (en enchaînant les mots dans ces structures logiques que sont les constructions syntaxiques, fondées sur le respect de règles (de grammaire, d'orthographe).)
b) Pensée et dialogue. Le second lien entre pensée et langage vient du fait que la démarche de réflexion fait naturellement intervenir la dimension de la discussion, du débat, du dialogue. Nous insistons sur le fait que les premiers textes de philosophie sont des dialogues (de Platon) : ceci traduit l'idée (formulée dans le texte 2 du recueil) selon laquelle l'examen rationnel est avant tout une confrontation de prises de positions, d'arguments différents. Réflechir, ce n'est pas démontrer un énoncé déjà choisi, c'est envisager kes arguments proposés par les différentes parties en présence, comme c'est le cas dans l'espace judiciaire (tribunal d'Assises). Pour Platon, même la pensée intérieure doit rester un "dialogue de l'âme avec elle-même", une discussion intérieure, qui permet de découvrir ce que l'on pense.
Ce que je pense, ce n'est pas l'opinion qui le vient spontanément (qui est sans doute déterminée par mon milieu familial, par mon environnement social, par le discours des mass media, etc.) : c'est ce à quoi j'aboutirai lorsque j'aurai procédé à cette confrontation des discours et des arguments, et qui peut fort bien être en opposition avec mes préjugés de départ. Seul peut savoir ce qu'il pense celui qui a procédé à ce "dialogue" de l'âme ; les autres ne peuvent avoir que des "opinions", dont il n'y a pas de raisons de considérer que ce sont véritablement les leurs.
09 septembre : Présentation de la discipline, des épreuves, du site internet. Présentation générale de la philosophie : analyse étymologique, méthodologie, différenciation de la philosophie et de la science. Un récapitulatif du cours de présentation générale peut être téléchargé ici (21.17 Ko)
Premier chapitre : les pouvoirs de la parole.
I) L'homme et le langage A) Humanités et humanité. A partir d'un rappel historique concernant la notion d'Humanités, nous mettons en lumière le projet général de cette discipline : les Humanités visent à étudier les caractéristiques spécifiques de l'homme (ce qui fait d'un homme un être humain, ce qui fait l'humanité de l'homme et le différencie de tous les autres êtres : la pensée rationnelle, le sens moral, le sens politique, le sens esthétique...), tout en cherchant à développer ces facultés. Les Humanités constituent donc un champ au sein duquel on cherche à "cultiver" l'humanité de l'homme, à la connaître et à la développer ; les Humanités sont donc étroitement liées au domaine de la "Culture", qui regroupe les méthodes et les fruits de l'humanisation de l'homme, dans les domaines spécifiquement humains comme la morale, la politique, l'art... et le langage. La question est donc de savoir quelle place occupe le langage dans la nature humaine, et quel rôle il joue dans le développement des autres facultés naturelles de l'homme.
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