Style religieux...
Style religieux et matière religieuse dans l'art plastique (1921)
Il s'agit dans cet article pour Tillich de préciser comment la création artistique peut être interprétée dans une optique théonomique.
La dimension religieuse du style
C'est l'idée de style qui fait l'objet de l'analyse, style que Tillich interprète comme l'effet du contenu sur la forme ; c'est ce qui explique, pour Tillich, qu'un même style puisse marquer des domaines intra-culturels distincts (texte 1).
Il ne s'agit pas pour Tillich de nier la valeur de paramètres tels que l'histoire même des formes, ou le rôle des déterminants psychologiques ou sociologiques dans l'étude d'un style déterminé. Mais ces paramètres ne déterminent que les styles possibles, et non le style qui se réalise historiquement : celui-ci s'enracine dans le contenu qui prend forme historiquement au sein de la culture de référence. En ce sens, le style est intrinsèquement religieux, révélation du contenu dans la forme, expression d'une prise de position face à l'inconditionné. (texte 2)
Typologie des styles artistiques
Cette dimension religieuse du style permet à Tillich d'esquisser une typologie des styles, fondée sur le rapport entre contenu et forme (domination de la forme, domination du contenu, équilibre) ; cette typologie se complique d'une dichotomie interne fondée sur la prédominance de l'objectivité ou de la subjectivité. (texte 3)
Hiérarchie religieuse des styles : l'oeuvre d'art comme symbole
Si tout style est intrinsèquement religieux, peut-on cependant différencier des styles plus "religieux" que d'autres ? Pour Tillich, deux styles apparaissent comme intrinsèquement appropriés à la fonction religieuse, en ce qu'ils manifestent une "irruption" du contenu dans la forme : le style expressioniste abstrait (prédominance du contenu dans l'objectivité), le style romantique (prédominance du contenu dans la subjectivité). Ceci trouve une contre-épreuve dans le fait que, si les styles fondés sur la domination de la forme sont incapables de restituer la dimension proprement religieuse des objets figurés, les styles fondés sur la domination du contenu confèrent quant à eux une dimension religieuse aux objets les plus profanes. (texte 4)
Mais si tout objet peut ainsi trouver une dimension sacrée, à quoi bon des objets "religieux" ? Pour Tillich, les productions spécifiquement religieuses répondent à l'exigence d'objets dont la signification n'aurait pas à être "détachée" d'un contenu intramondain, profane. Les objets religieux sont de purs symboles, dont la signification ne peut donc être saisie et manifestée que par les arts dominés par le contenu (la domination de la forme induisant au contraire une réduction de la symbolique religieuse dans l'exactitude historique). (texte 5)
Symbole et réalité
Faut-il alors opposer exactitude objective et signification religieuse du symbole ? Tillich montre que le rapport du symbole à la "vérité" historique objective est ambivalent : le symbole s'enracine non dans une objectivité extérieure, mais dans une nécessité intérieure ; en ce sens, il tend à récuser l'examen de sa validité objective, sans pour autant renoncer à affirmer cette validité : le symbole n'est saisi comme symbole que dans la mesure, précisément, où il n'est pas saisi "seulement" comme un symbole, dans la mesure où ce qu'il signifie est bien inscrit dans l'ordre de la réalité. (texte 6)
Le prophète comme homme symbole de l'Homme
Ceci permet de saisir en quoi l'homme peut se poser comme sujet symbolique. En tant qu'homme empirique, il tombe (désormais) sous le joug de l'investigation scientifique, critique de l'objectvité. Si l'homme est le porteur du symbole religieux, ce n'est pas en tant que tel ou tel individu, mais en tant que "l'homme" universel, qui est toujours plus que l'homme, l'homme qui est à la fois origine et destination de l'homme, l'homme de ce que l'on pourrait appeler une "anthropologie eschatologique". Si un individu est alors posé comme symbole, ce n'est donc pas en ce qu'il serait lui-même, historiquement et objectivement, la réalisation de ce que le symbole doit signifier, mais bien parce qu'il symbolise davantage l'expérience religieuse que tout homme, en tant qu'il est homme, peut expérimenter. (texte 7)
En attente du kairos
Tout symbole est l'expression d'un contenu dans une forme, référence d'une forme au contenu qui la fonde : c'est donc dans une nouvelle révélation du contenu que s'enracine la possibilité d'une renaissance symbolique. (texte 8)
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