Le rachat du temps
Illustration d'André Masson pour l'Histoire de l'oeil
Le rachat du temps
Le temps est annulé dans la quotidienneté, dans la mesure où l'enchaînement nécessaire des causes et des effets, des moyens et des fins, abolit le temps en le spatialisant. Seul peut redonner au temps son être propre ce qui vient en briser l'homogénéité. Le « rachat » du temps (en tant que salut du temps) ne s'opère que par ce qui détruit son annulation en tant que ressource. (« Sacrifices », texte 6)
On ne peut reconnaître « l'existence » du temps qu'en le détruisant (de même que pour les protestants on ne peut prouver l'existence de Dieu qu'en le supprimant en tant que Dieu). Car il ne peut y avoir objectivation du temps ; le temps ne peut devenir objet que pour un sujet réifié. Le temps ne peut être vécu que sous une forme catastrophique, au sein d'une expérience extatique. (« Sacrifices », texte 7)
L'épanouissement de la vie humaine exige une libération du temps qui doit redevenir autre chose qu'un continuum logique. (texte 56)
Le travail ne met pas fin à la nécessité, qui en consomme perpétuellement les fruits ; mais les bornes inventées par les hommes pour échapper à la sensation du temps sont parvenues à l'occulter au sein d'une spatialisation qui a substitué l'horloge au sablier. Délivrée de ses terreurs nocturnes, l'humanité ne tend plus vers des « bornes majestueuses », mais à se délivrer de l'ennui de l'ordre institué. (texte 68)
L'erreur de Hegel est d'avoir voulu enclore le temps en lui donnant un terme, alors que le temps est ce qui dissout tout centre. Sa valeur est d'avoir redonné au temps son mouvement, au sein d'une pensée qui exprime elle-même cette volonté de détruire ce qui doit mourir pour que le temps advienne. La pensée hégélienne exprime la tendance simultanée, paradoxale, à la maîtrise du temps et à la destruction des formes déjà instituées. (texte 69)
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