L'absolu comme catastrophe

Illustration de Hans Bellmer pour Madame Edwarda de Bataille

L'absolu comme catastrophe (mystique et effondrement)

Le propre de l'expérience mystique est d'affirmer que le sujet ne s'accomplit que dans l'amour, en tant que dépassement de la séparation du sujet et de l'objet, dans une expérience au sein de laquelle le sujet doit se perdre pour pouvoir se trouver. Mais quel est l'objet de l'amour ? Pour Bataille comme pour les mystiques, cet « objet » n'en est évidemment pas un. Mais pour Bataille cet objet n'est ni Dieu ni Néant, mais catastrophe ; et l'expérience de la catastrophe en tant qu'objet est également catastrophe du sujet lui-même. L'amour extatique s'accomplit dans l'expérience d'une chute, d'un effondrement au sein duquel le sujet expérimente son absence de fondement. (« Sacrifices », texte 5)

Dès que le Moi et le temps sont ressaisis en tant qu'objets existants, ils deviennent illusoires ; ce qui ne veut pas dire qu'on doit les rejeter en tant que fictions, mais bien au contraire qu'eux-mêmes, dans la mesure où ils fondent tout « objet », révèlent le caractère illusoire de toute réalité objective. La réalité est ce par quoi se manifeste, advient à « l'existence » ce qui en tant que tel ne lui appartient pas, et qui reconduit toute réalité phénoménale à un réel abyssal. ((« Sacrifices », texte 7)

La fuite de l'angoisse dans la recherche d'un repos en Dieu (un Dieu qu'elle enferme ainsi dans la permanence immobile) est ce qui fait basculer la fraternité universelle dans la cohésion militaire. En ce sens, la véritable communauté est mort de Dieu. (texte 58)

La pensée qui accepterait de suivre jusqu'au bout sa pente naturelle affronterait le vide qui révèle que le monde n'est pas un objet de connaissance, mais d'ivresse. L'expérience authentique du « il y a » n'est pas celle d'un étant soumis à la rigueur du concept et des conventions, mais celui d'un abîme qui rayonne. On ne peut l'habiter, on ne peut que s'y perdre. (texte 65)

L'existence humaine est en contradiction avec les exigences de la vie : elle suppose une stabilité qui impose de substituer à l'expérience extatique des explosions de force, le regard admiratif – à distance. Le sol stable se tient à distance aussi bien de la lave sur laquelle il repose que du soleil qui l'éclaire. (texte 66)

La vie individuelle n'a de signification humaine que dans la mesure où elle incarne cet élan sans nom qui se répercute dans la violence, l'horreur, le rire et l'amour des multitudes. L'individu est à la fois ce qui manifeste cette profondeur sacrée et ce qui la masque. (texte 67)

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