Explication du texte de Nietzsche (DM)

La mauvaise conscience est à mes yeux une maladie grave, suite inévitable de la pression qu’a exercée sur l’homme le changement le plus profond de tous ceux qu’il ait jamais vécus, — ce changement qui s’est produit lorsque l’homme s’est vu dans la contrainte de la société et de la paix. (…) Il arriva ainsi à ces demi-animaux heureusement adaptés à la guerre, à la vie nomade, à l’aventure, — que d’un seul coup tous leurs instincts furent dévalués, « hors d’usage ». […] Je crois que jamais auparavant il n’y avait eu sur terre un tel sentiment de détresse, un malaise aussi lourd, — et avec cela ces anciens instincts n’avaient pas cessé tout d’un coup de faire sentir leurs exigences ! Mais il était rare, souvent impossible de les satisfaire : il leur fallait le plus souvent chercher des satisfactions nouvelles et en quelque sorte souterraines. Tous les instincts qui ne se libèrent pas vers l’extérieur, se retournent vers le dedans — c’est ce que j’appelle l’intériorisation de l’homme (...). Ces remparts terrifiants que l’Etat érigea pour se défendre contre les vieux instincts de liberté — les châtiments y appartiennent éminemment — réussirent à retourner tous ces instincts de l’homme nomade, sauvage et libre, et à les retourner contre l’homme lui-même. L’inimitié, la cruauté, le plaisir de persécuter, d’attaquer, de transformer, de détruire — tout cela tourné contre les possesseurs de tels instincts : voilà l’origine de la « mauvaise conscience ».

(Nietzsche, La généalogie de la morale, 1887)

Attention : dans la notation, le respect des consignes méthodologiques sera tout particulièrement évalué. Je vous recommande de faire votre explication avec la méthodologie sous les yeux.

La suite du texte n'est pas à expliquer. Je vous l'indique néanmoins, pour information.

"L’homme qui, manquant d’ennemis extérieurs et de résistances, pris dans l’étroitesse opprimante et la régularité des mœurs, se déchirait, se persécutait, se rongeait, se harcelait, se maltraitait impatiemment lui-même, cet animal que l’on veut « apprivoiser » et qui se blesse aux barreaux de sa cage, cet être privé de tout et consumé par la nostalgie du désert, qui a dû faire de lui-même une aventure, une chambre de torture, une contrée sauvage et dangereuse — ce fou, ce prisonnier plein de désirs et de désespoirs devint l’inventeur de la « mauvaise conscience ». Mais avec elle est apparue la maladie la plus grave et la plus inquiétante, dont l’humanité n’est pas encore guérie, l’homme souffrant de l’homme, de soi-même."