L'athéisme dans le christianisme (2)

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Ernst Bloch, L'athéisme dans le christianisme

I. Autre perspective

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Vox Dei ou vox Populi ?

Pour Bloch, ce qui nous nous servir de guide dans notre marche vers l'émancipation, ce n'est pas la « mauvaise conscience » naissant du sentiment de l'inadéquation entre ce qui est et ce qui devrait être. La « voix de la conscience », lorsqu'elle n'est pas seulement celle de nos intérêts, se veut en effet le reflet d'une voix qui nous vient d'en haut, d'une instance supérieure, transcendante, qui comme telle ne peut s'adresser à nous que sous la forme d'une sentence, d'une injonction, d'un commandement. Lequel, à bien y regarder, s'avère d'autant plus contraignant que l'on se rapproche du bas de l'échelle des hommes. Le Dieu tutélaire et paternel semble autant réclamer la soumission des opprimés aux pouvoirs institués, que préserver la domination des possédants.

 

La voix qui doit nous servir de guide, c'est au contraire celle qui vient d'en bas, celle des dominés, qui pour s'émanciper ont moins besoin de se vaincre eux-mêmes que de combattre ceux qui les oppriment. Celui qui veut participer à l’œuvre d'émancipation doit moins partir du sentiment de son propre abaissement (ou de la misère du genre humain) que de l'aliénation effective d'une grande partie des hommes, laquelle réclame une prise de conscience qui soit analyse lucide, plutôt que culpabilité. (texte 1)

 

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La cour des miracles, par Gustave Doré

 

L'autre langue des esclaves

 

Pour Bloch, pour retrouver le sens vrai, originel, de la Bible, il nous faut réapprendre à entendre la « langue des esclaves. » Celle-ci n'est pas la langue servile de celui qui parle pour plaire à ses maîtres, mais au contraire la langue qui vise à exprimer ce que le maître ne doit pas entendre. C'est la langue subversive de ceux qui sapent les fondements de l'ordre établi sans pourtant lui porter explicitement atteinte ; la langue des ambiguïtés, des détournements, des double-fonds, qui n'a de sens que pour celui qui expérimente l'oppression qu'il s'agit de dé-jouer. (texte 2)

 

Entendre la Bible, c'est donc davantage chercher à retrouver son sens originel, plutôt que de chercher à établir ce que pourrait être son sens "actuel", « pour nous », une fois dépouillé de sa gangue historique. Car le danger qui nous guette alors est alors que, sous prétexte de décapage culturel, on étouffe le sens authentique sous une herméneutique qui détruit d'autant plus la dimension révolutionnaire du texte biblique qu'elle l'accommode aux attentes culturelles du temps présent. La « démythologisation » à la Bultmann du texte biblique est dangereuse lorsqu'elle devient une acculturation du texte qui lui fait perdre son caractère inactuel, intempestif, protestataire. (texte 3)

 

Car ce qui est à entendre dans la Bible, ce n'est pas une parole éternelle, une vérité énoncée une fois pour toutes, qui ne demanderait qu'à être actualisée à chaque époque, mais au contraire la protestation portée par ceux qui, au cours de l'Histoire, ont expérimenté le manque et l'attente de ce qui ne s'est pas encore réalisé, mais qui doit advenir, ceux qui ont vécu dans leur chair et exprimé dans leur parole l'élan vers un à-venir qui n'est toujours qu'entre-aperçu, dans cette lumière qui filtre d'abord à travers les barreaux. (texte 4)

 

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(Prison des Baumettes)