Ce qui est en vue

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Dessin de André Andrejew pour Raskolnikoff

Ce qui est en vue

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Le texte s'ouvre sur l'affirmation d'une crise, ou plutôt d'une catastrophe : celle qui frappe la culture, non pas en tant qu'ensemble des activités auxquelles se livrent les hommes (qui prolifèrent), mais comme possibilité proprement humaine de se rapporter à l'absolu. Tout horizon de transcendance semble aujourd'hui occulté par l'absolutisation de fins résolument immanentes, qui oscillent entre les préoccupations matérielles et la sacralisation de l’État.

C'est à cette catastrophe que Bloch veut répondre, en initiant à nouveau un discours tendu vers l'Ultime, en s'inscrivant à nouveau dans une perspective résolument eschatologique. L’œuvre interroge à nouveau notre être le plus authentique, c'est-à-dire ce que que nous ne sommes pas encore mais vers quoi nous avons à nous acheminer, ce vers quoi nous devons tendre, la lumière qui dévoile (et se dévoile dans) l'obscurité de notre vécu actuel. Il s'agit de poser la question dont l'énoncé même ne peut encore trouver sa forme exacte, de poser le problème que nous sommes pour nous-mêmes, question et problème dont la réponse s'annonce déjà pour nous à travers les formes culturelles de notre époque, dans leur dimension expressionniste.

Ce questionnement exige en premier lieu, non que nous nous tournions vers les choses du monde, mais bien que nous accomplissions un mouvement de retour vers l'intériorité ; notre être propre ne s'éclairera pas à la lumière des choses, c'est au contraire de sa propre élucidation que peut naître une vision claire de la réalité, une rencontre authentique avec l'étant, une action dans le monde qui exprime l'être vrai de l'homme et de la nature. Mais ce retour à l'intériorité ne peut lui-même trouver sa vérité qu'à la condition de trouver dans le mouvement inverse, dans l'expansion de l'âme, dans sa réalisation au sein du monde, son propre accomplissement.

Se tourner vers la lumière intérieure, c'est ainsi saisir le réel tel qu'elle le dévoile, dans son inaccomplissement et son imperfection, mais plus encore dans son mouvement vers un achèvement que nous avons à faire advenir ; car c'est dans notre propre participation à cet élan utopique, dans le geste par lequel nous travaillons à faire éclore ce dont l'existant n'est que le germe, que peut s'épanouir et s'accomplir la réponse que l'homme peut apporter à la question qu'il est pour lui-même.

Nous ne pouvons donc pas nous donner d'abord ce que nous sommes, ni ce qui constitue le secret de la nature : nous avons à bâtir dans la lumière voilée d'une connaissance qui se dérobe, vagabonder sur des chemins dont nous ne pouvons savoir où ils conduisent : ce vers quoi nous allons, ce qui donne un sens à notre marche, est précisément ce que nous devons approcher.

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Der Sabbathabend in der Stadt, Jakob Steinhardt, tableau de Jakob Steinhardt

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