5. Texte de Pascal (démonstration)
Bonjour, nous passons aujourd'hui à la révision du texte n° 5 de la liste : il s'agit du texte de Blaise Pascal, qui porte sur la notion de démonstration.
Voici le texte : il est un peu long pour un texte d'oral (au départ, il n'était pas prévu pour cela...), mais je vous le laisse en entier, dans la mesure où ça ne rajoute aucune difficulté de lecture, mais que cela peut vous aider à clarifier l'idée-clé.
Je ne puis faire mieux comprendre la conduite qu’on doit garder pour rendre les démonstrations convaincantes, qu’en expliquant celle que la géométrie observe. Mais il faut auparavant que je donne l’idée d’une méthode encore plus éminente et plus accomplie, mais où les hommes ne sauraient jamais arriver : car ce qui passe la géométrie nous surpasse ; et néanmoins il est nécessaire d’en dire quelque chose, quoiqu’il soit impossible de le pratiquer.
Cette véritable méthode, qui formerait les démonstrations dans la plus haute excellence, s’il était possible d’y arriver, consisterait en deux choses principales : l’une, de n’employer aucun terme dont on n’eût auparavant expliqué nettement le sens ; l’autre, de n’avancer jamais aucune proposition qu’on ne démontrât par des vérités déjà connues ; c'est-à-dire, en un mot, à définir tous les termes et à prouver toutes les propositions. […]
Certainement cette méthode serait belle, mais elle est absolument impossible : car il est évident que les premiers termes qu’on voudrait définir en supposeraient de précédents pour servir à leur explication, et que de même les premières propositions qu’on voudrait prouver en supposeraient d’autres qui les précédassent ; et ainsi il est clair qu’on n’arriverait jamais aux premières. Aussi, en poussant les recherches de plus en plus, on arrive nécessairement à des mots primitifs qu’on ne peut plus définir, et à des principes si clairs qu’on n’en trouve plus qui le soient davantage pour servir à leur preuve. D’où il paraît que les hommes sont dans une impuissance naturelle et immuable de traiter quelque science que ce soit dans un ordre absolument accompli.
Mais il ne s’ensuit pas de là qu’on doive abandonner toute sorte d’ordre. Car il y en a un, et c’est celui de la géométrie, qui est à la vérité inférieur en ce qu’il est moins convaincant, mais non pas en ce qu’il est moins certain. Il ne définit pas tout et ne prouve pas tout, et c’est en cela qu’il lui cède ; mais il ne suppose que des choses claires et constantes par la lumière naturelle, et c’est pourquoi il est parfaitement véritable, la nature le soutenant à défaut du discours. Cet ordre, le plus parfait entre les hommes, consiste non pas à tout définir ou à tout démontrer, ni aussi à ne rien définir ou à ne rien démontrer, mais à se tenir dans ce milieu et de ne point définir les choses claires et entendues de tous les hommes, et de définir toutes les autres ; et de ne point prouver toutes les choses connues des hommes, et de prouver toutes les autres. Contre cet ordre pêchent également ceux qui entreprennent de tout définir et de tout prouver, et ceux qui négligent de le faire dans les choses qui ne sont pas évidentes en elles-mêmes.
Blaise Pascal, De l’esprit géométrique, 1658
Pour vous aider à expliquer ce texte, en plus de vos notes de cours, vous pouvez consulter l'explication en ligne, sur cette page du site.
Bonne lecture !
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