Le Soi et l'Autre
Nous avons lancé mardi avec le groupe A, en partant du corrigé de l'Essai, une réflexion sur le rapport entre la découverte de soi et le rapport à autrui. Il s'agit du dernier axe de notrre cours consacré à la découverte de soi. En attendant de corriger vos travaux sur Oscar Wilde (je rappelle que vous devrez les avoir avec vous mardi), qui clôtureront notre séquence sur la découverte du Moi et la culture de la sensibilité, je vous communique donc les principaux éléments que nous avons mobilisés pour analyser les rapports entre le "prendre conscience de soi", et même le "devenir soi", et le rapport à autrui.
Ces éléments sont importants ; nous n'aurons sans doute pas l'occasion d'y revenir avant les épreuves, donc lisez-les attentivement, et n'hésitez pas à poser des questions si certains points vous restent obscurs.
Conscience de soi, regard de l'autre
Quelle est la place de la conscience d'autrui dans la constitution de ma propre identité ?
En prenant appui sur Jean-Paul SARTRE, nous pouvons indiquer que le regard de l'autre joue un rôle clé dans la conscience que je prends de moi-même. C'est dans le regard d'autrui, par son regard que je prends conscience de mon existence, mais aussi de mon identité.
Pour le montrer, il faut repartir d'une question (apparemment) simple : que vois-je, quand je regarde autrui dans les yeux ?
Sartre répond : ce que je vois quand je regarde autrui dans les yeux, ce ne sont pas des yeux (des globes oculaires, etc.). C'est l'ophtalomologue qui regarde l'oeil de son patient. Quand je regarde autrui dans les yeux, c'est bien autrui que je vois ; et autrui, ce n'est pas un globe oculaire, c'est un "Moi". C'est même ce "Moi" très particulier qui se définit (dans les termes de Sartre) comme "ce Moi qui n'est pas moi".
Pour Sartre, "L’œil n’est pas saisi d’abord comme organe sensible de vision, mais comme support du regard." Cette phrase signifie notamment que, lorsque je regarde les yeux d'autrui, il m'est très difficile de voir un globe oculaire, un morceau de chair avec son iris, sa cornée, etc. Regarder les yeux de l'autre, c'est regarder l'autre dans les yeux. Je ne peux réduire le regard à l'oeil, le sujet à l'objet que par une démarche volontaire, seconde, de mon esprit.
Quand l'amant de regarde son amant(e), il ne regarde pas son oeil ; Elton John peut donc se rassurer, lui qui chantait ("Your Song")
So excuse me forgetting but these things I do
You see I've forgotten if they're green or they're blue
Anyway the thing is what I really mean
Yours are the sweetest eyes I've ever seen
C'est normal ! Lorsqu'on regarde vraiment autrui, on ne peut plus voir la couleur de ses yeux ; on ne peut que "le" voir, lui, en tant qu'il est un Moi, une conscience.
Carmen Meyer, "Regard sur le monde"
Mais si je ce que je vois lorsque je regarde le regard d'autrui, ce n'est pas son corps ; et si d'autre part, il est assez évident que je ne peux pas non plus "voir" ses pensées... qu'est-ce donc que je vois lorsque je regarde son regard ? La réponse de Sartre est simple : ce que je vois... c'est moi !
Il faut procéder ici en trois temps.
a) Premier temps : lorsque je regarde l'autre dans les yeux, je ne "vois", au sens strict, rien. Je ne peux pas voir l'esprit de l'autre, son corps est oublié, et "le regard" n'est pas en lui-même un objet que je pourrais "voir", comme je vois une table.
b) Second temps : ce qu'il se produit donc lorsque je saisis le regard de l'autre, ce n'est pas une perception visuelle, c'est une prise de conscience : la prise de conscience du fait que je suis vu. En d'autres termes, la saisie du regard de l'autre est saisie du fait qu'il existe une autre conscience qui me saisit, un autre sujet qui me voit : quelqu'un d'autre qui me regarde.
Quand je regarde autrui dans les yeux, ce que je "vois"... c'est qu'il me regarde. Je prends conscience qu'il me regarde, que je suis vu.
Le regard de l'autre m'indique donc deux choses :
1. il existe d'autres sujets dans le monde, d'autres "Moi", des êtres dotés de conscience, qui voient et qui regardent.
2. par ailleurs, ce regard m'apparaît précisément dans la mesure où il se braque sur moi, où ce sujet que je rencontre me regarde. L'expérience du regard de l'autre est donc bien une expérience du fait que je suis regardé.
c) Troisième temps. Quel est alors "l'objet" de ma vision lorsque je regarde autrui qui me regarde ? La réponse de Sartre, cette fois encore, est très simple : ce qui m'apparaît lorsque je vois autrui me regarder, c'est... ce qu'il regarde. C'est à dire : moi.
Pour illustrer ce point, Sartre prend l'exemple de la honte. Supposons que je sois occupé à regarder (sans être vu) par le trou d'une serrure. Pour Sartre, lorsque je regarde ainsi, je n'ai pas "honte" ; avoir honte, c'est porter un jugement sur soi. Or, nous dit Sartre, lorsque je regarde par le trou d'une serrure, je ne me regarde pas moi-même : je regarde ces gens qui parlent à voix basse, cette femme qui prend sa douche dans sa salle de bain, et je suis "tout à" mon occupation présente. Je ne suis plus qu'un oeil, des images, je suis le spectacle de cette femme qui se dénude : le reste a disparu de ma conscience.
Magritte, Femme
Mais voici que quelqu'un entre et me voit ! Me voici rouge de confusion, j'ai honte de moi-même. Parce qu'autrui m'a vu, voici que je me juge et me condamne. Pour Sartre, l'explication est simple : par le regard d'autrui, je me suis vu moi-même. Car autrui est seul à pouvoir "me regarder", à pouvoir me poser comme "l'objet" de son regard. Pour que je puisse porter un jugement sur moi, il faut que je me voie "de l'extérieur", que je puisse me poser comme un "objet" (c'est d'ailleurs ce que traduit l'expression : "si tu te voyais !..."). Or c'est autrui qui me délivre cette possibilité : devant le regard de l'autre, je me saisis comme objet, car je me vois "à travers ses yeux".
Le regard de l'autre est donc le lieu d'une expérience "dialectique" :
a) c'est lorsqu'autrui me regarde que je peux voir l'autre comme sujet (lorsqu'il ne me regarde pas, je peux le regarder comme je regarde une chaise)
b) c'est lorsqu'autrui me regarde que je peux me voir comme objet.
C'est parce qu'autrui me regarde que je "me vois" en train de regarder par la fenêtre ma voisine qui prend son bain. C'est parce que je prends conscience qu'autrui me voit, que je porte un regard sur moi-même. Le regard de l'autre apparaît ainsi comme le fondement de la conscience morale. Je n'ai pas honte tant que personne ne me regarde. C'est à travers le regard de l'autre que je me juge moi-même.
C'est ce qui explique bon nombre de processus de "régression" morale que l'on observe chez ceux qui vivent isolés (comme certaines personnes âgées). En l'absence du regard d'autrui, je cesse de me voir, et de me juger. Pourquooi avoir des "exigences envers soi-même", comment même "se respecter" lorsque le regard d'autrui vient à manquer ? Pourquoi "me faire beau" si personne ne me voit ? Pourquoi rester propre si personne n'est là pour voir que je ne le suis pas ? Pourquoi faire des efforts si personne ne me le demande, en bénéficie ou m'en félicite ?
"Le regard est d’abord un intermédiaire qui renvoie de moi à moi-même" : le regard de l'autre est ce qui me permet de (et m'oblige à ) me voir. Autrui est ce qui me permet de me juger ; pas seulement, d'ailleurs, d'un jugement négatif : c'est aussi lorsque quelqu'un me regarde que je peux être fier : d'où le besoin impérieux que nous ressentons, lorsque nous réussissons particulièrement bien quelque chose, de trouver un spectateur...
[On trouve une très belle illustration de ce point dans une nouvelle de la romancière Anne Sauvy. Un prêtre a l'idée géniale d'imposer comme pénitence à un alpiniste expérimenté le fait d'effectuer une course risquée, dangereuse, une "première"... mais sans le dire ensuite à personne ! Le propre de la pénitence est qu'elle doit être un acte de mortification, qui rabaisse l'orgueil, la fierté de l'individu. Or précisément (et c'est ce que décrit magnifiquement Anne Sauvy), en privant le personnage de toute possibilité de "faire voir" son exploit, de le communiquer à autrui, c'est bien de cette fierté dont on lui interdit la jouissance...]
Récapitulons (c'est souvent utile de le faire quand on suit un cheminement sartrien !).
1. Lorsque je regarde autrui qui me regarde, ce que je vois c'est son regard (et non ses yeux)
Mais qu'est-ce que je vois quand je vois un regard ? Car un regard, ce n'est pas un "objet" que je pourrais voir. Quel est "l'objet" de ma perception lorsque je regarde le regard d'autrui qui me regarde ? La réponse est simple :
2. ce que je vois... c'est que je suis vu. Regarder le regard d'autrui, c'est prendre conscience du fait que je suis regardé.
Soit. Mais encore une fois, "voir qu'on est vu", ce n'est pas vraiment un objet de perception. Qu'est-ce donc que je "vois" quand je vois autrui qui me regarde ? La réponse de Sartre est encore plus simple :
3. ce que je vois quand je vois autrui me voir... c'est moi. Car en prenant conscience du fait que je suis vu, que je suis regardé, je deviens capable de "me" voir moi-même, et de me voir comme seul autrui peut me voir : comme un objet de perception.
Magritte, Femme miroir
D'où l'exemple de la honte : lorsque je regarde ma voisine (ou mon voisin) se dévêtir par le trou d'une serrure, je ne me vois pas moi-même en train de regarder (ce qui m'épargne d'aileurs ce spectacle affligeant). Non seulement je ne me vois pas, mais ma conscience est tout entière focalisée sur le spectacle palpitant que je contemple : je suis "absorbé".
Mais si j'entends derrière moi un "hum ! hum !" qui me signale que quelqu'un vient de me surprendre en train de me livrer à cette activité peu glorieuse, aussitôt (nous dit Sartre), j'ai honte, je rougis, etc. En prenant conscience qu'il me regarde je me vois moi-même à travers ses yeux. D'où la honte et ses stigmates corporels (rubéfaction, etc.)
La logique de Sartre est donc claire :
a) en voyant l'autre me regarder, ce que je vois, ce ne sont pas ses yeux, mais son regard.
b) en voyant le regard de l'autre, je vois que je suis vu
c) en voyant que je suis vu, je me vois moi-même à travers les yeux de l'autre.
Le regard de l'autre est donc un support privilégié de la conscience que j'ai de moi-même : il est l'intermédiaire entre moi et moi-même qui me permet de me saisir moi-même en tant qu'objet. Le regard de l'autre est le détour dont j'ai besoin pour pouvoir me voir, pour prendre conscience de ce que je suis en tant qu'individu.
"Regard critique" : une photo glanée sur la toile.
Mais Sartre va plus loin. Il énonce en effet que autrui est une "condition de mon existence", que je ne peux rien être sans faire intervenir le regard de l'autre. Voilà qui est plus mystérieux.
En quoi le regard de l'Autre est-il constitutif de mon identité ? Par "ce que je suis", Sartre n'entend pas le fait d'être "un être humain", ou quelque chose de ce genre. Il s'agit bien maintenant de mon identité, de "Moi", de ce qui me caractérise en tant qu'individu : je suis beau (ou laid), je suis sympathique (ou non), j'inspire confiance (ou non), etc. Si autrui est une condition de mon existence, c'est donc parce qu'il faut qu'autrui existe pour que je puisse me définir comme beau, sympathique, etc.
Pourquoi ? Là encore, la réponse est assez simple.
Prenons l'exemple de l'énoncé "je suis beau". Cet énoncé a-t-il un sens si je fais abstraction du regard de l'autre ? Non, dans la mesure où il est parfaitement impossible de dissocier le fait d'être beau et le fait d'être reconnu comme beau. Demandons nous si les femmes des portraits de Rubens sont belles, et faisons abstraction de tout contexte culturel. En voici un exemple :
Cette femme est-elle belle ? Prise de façon abstraite, cette question n'a aucun sens. Placée au milieu d'un défilé de mannequins actuels, on croirait une plaisanterie. Mais pour Rubens (dont je rappelle qu'il s'agit d'un peintre flamand du XVII°s)...? Il y a au moins deux raisons de croire qu'il estimait représenter là le type même de la beauté féminine. La première est que ce tableau s'intitule "Vénus au miroir" ; et on s'imagine mal une Vénus (déesse de l'Amour) disgracieuse. La seconde raison est que le modèle est Hélène Froment, qui n'est autre... que la (seconde) femme de Rubens !
On ose à peine imaginer ce qu'il aurait pensé, lui, de la plupart des mannequins actuels. Sans doute la dissociation radicale du corps beau et du corps sain l'aurait-elle laissé un peu perplexe.
Ce détour par la beauté nous montre bien ce qui, dans toute caractérisation d'un sujet, exige la médiation du regard des autres : un corps "n'est" beau que relativement au regard que d'autres portent sur lui. Mais il en va de même avec les autres caractérisations : je ne saurais être désirable sans être désiré. Je ne peux pas être sympathique si je suis seul à le penser. Je ne peux pas être affable si les autres me trouvent hostile ; débonnaire si les autres me trouvent réservé, etc. Même des caractéristiques soit-disant "objectives" comme l'intelligence n'échappent pas à ce constat : la définition que nous donnons aujourd'hui de l'intelligence (comme capacité à réussir le genre de choses que l'on fait dans un test de QI) aurait sans doute laissé perplexe les sages de l'Antiquité...
Bref : le regard de l'autre est bien une condition de mon existence en tant que sujet doté de tels ou tels traits de caractères : Autrui me définit. Il n'est pas "difficile", mais impossible d'être quelque chose sans que cette qualité ne soit attestée par le regard de l'autre : dans la majorité des cas, "être..." implique, par définition, le fait d'"être reconnu comme..." par l'autre.
(Man Ray, Noire et blanche)
Je ne peux donc me constituer en tant qu'identité, en tant que Moi, que par le regard de l'autre.
Mais l'autre ne fait pas que me décrire (m'identifier) par ces prédicats, ces traits de caractère qu'il m'octroie. On peut également dire que l'autre "me porte à être" cette image qu'il se fait de ce que je suis. C'est ce que nous dit Alain dans le texte que vous trouverez ici.
Avant d'entrer dans le propos d'Alain, on peut souligner la question (angoissante) à laquellel semble nous conduire l'analyse de Sartre : si c'est autrui qui me définit, suis-je prisonnier de son regard ? Si le regard d'autrui me définit, puis-je éviter d'être déterminé, dans mon identité même, par ce regard ?
On pourrait être tenté de répondre : évidemment non. Dans la mesure où le regard de l'autre ne se construit pas tout seul : il prend appui sur l'ensemble de mes actes, de mes comportements passés. En changeant de comportement, je changerai donc le regard que les autres portent sur moi. En d'autres termes, je suis certes déterminé, dans ce que je suis, par le regard des autres ; mais c'est moi-même qui détermine (au moins en partie : faisons pour l'instant abstraction de tout ce que les autres "projettent" sur moi) ce regard, par mes actes.
Mais les choses ne sont pas si simples. Car je ne peux pas séparer radicalement ce que je fais, et la manière dont les autres me regardent, me "voient". Il est évident que mes actes influencent le regard des autres ; mais la réciproque, elle aussi, est vraie : la manière dont les autres me regardent influence ce que je fais. Et donc : ce que je suis, et ce que je peux devenir.
"Le regard des autres" : tableau à l'argile d'un artiste contemporain, Jean-Claude Apert
Pour Alain, je peux regarder les nuages en espérant qu'il ne pleuve pas, et en manifestant ouvertement mon optimisme : cela ne changera rigoureusement rien à la météo. Les choses restent indifférentes aux espoirs que je place en elles. Elles sont ce qu'elles sont, un point c'est tout.
Mais il n'en va pas de même pour les êtres humains. Bien évidemment, la représentation que je me donne d'un individu, de ce qu'il est et de ce qu'il sera, est en partie déterminée par ce qu'il a été jusqu'à présent. Ce qu'il fera, je l'imagine en partie à partir de ce qu'il a fait et, en ce sens, on peut dire que les attentes des autres sont façonnées par mon comportement.
Mais la réciproque est également vraie : ce que je ferai est façonné par les attentes que les autres forment à mon endroit. Mon comportement n'est pas étranger aux attentes que les autres suscitent : si nul n'a confiance en moi, je n'ai à me rendre digne d'aucune confiance... et je perds ainsi l'une des plus forts incitations à me conduire en homme qui justifierait cette confiance. Pour prendre un exemple précis, c'est la raison pour laquelle les indications "négatives" du dossier scolaire (avertissement, etc.) sont très régulièrement effacées, anéanties. Mon comportement n'est pas étranger au comportement qu'autrui anticipe de ma part : toute confiance est une dette que je contracte, et dont je ne peux m'acquitter qu'en me rendant digne, par mes actes, de la confiance qui a été placée en moi.
Jean Valjean-Gabin dans l'une des premières adaptations des Misérables au cinéma.
C'est très exactement ce qu'illustre la figure de Jean Valjean. La "conversion" du personnage de Hugo est à comprendre comme le chemin par lequel celui-ci s'acquitte d'une dette, celle qu'il a contractée envers l'Evêque qui l'a accueilli et dont il a volé l'argenterie. Ce que lui témoigne l'Evêque en affirmant (aux gendarmes) qu'il s'agissait d'un don, c'est sa confiance dans le fait qu'il peut devenir, ainsi qu'il le lui a (soi-disant) promis, "un honnête homme". Cette confiance, Jean Valjean commence par la trahir, en volant la pièce d'un petit ramoneur (Petit-Gervais). C'est le dernier acte du "premier" Jean Valjean... qui disparaît alors derrière "le père Madeleine". Mais, comme le veut Alain, si le bagnard est devenu philanthrope, c'est pour répondre à la confiance que l'Evêque lui avait témoignée. Jean Valjean est ici devenu ce qu'un autre avait cru qu'il pourrait devenir: sans la confiance de l'Evêque, la conversion de Jean Valjean n'a aucun sens dans le roman de Hugo.
A l'opposé de l'Evêque se trouve celui qui refuse de briser le cercle : le personnage de Javert incarne le regard de celui qui refuse à autrui toute possibilité de devenir autre que ce qu'il a été. Pour Javert (mais n'est-ce pas l'essence de la police que de poursuivre les individus, non pour ce qu'ils font, mais pour ce qu'ils ont fait ?) il n'y a qu'un seul Jean Valjean, qui est et ne peut être autre chose que le bagnard en fuite qu'il a connu.
Il y a donc un cercle entre mes actes et les attentes d'autrui : mes actes passés façonnent les attentes des autres ; mais ces attentes des autres façonnent mes actes à venir. Dans le vocable philosophique, on appelle cela une structure "dialectique" : mes actes agissent sur des attentes qui rétro-agissent sur mes actes : c'est parce que les autres me font confiance que je me rends digne de cette confiance, c'est parce qu'ils n'attendent rien de moi que je deviens celui dont il ne faut rien attendre. Les croyances humaines sont des prophéties auto-réalisatrices : le fait même de croire tend à faire advenir ce en quoi je crois. Croire en l'autre, c'est l'aider à devenir ce que je crois qu'il peut être.
Autrui n'est pas seulement celui qui me désigne comme ce que je suis (beau, prétentieux, courageux, etc.) ; il est aussi celui qui me porte à être celui qu'il m'imagine être... ou devenir.
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