Episode 3 : Tycho Brahé

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Nous avons établi l'origine de la révolution copernicienne... et ses limites. Comment, de cette "révolution" qui ne semble pas en être une, est-on parvenu à un changement global dans l'image de l'Univers ?

Le personnage suivant dans la gallerie de la révolution astroniomique est, nous l'avons vu, Tycho Brahé. Si cet astronome Danois a contribué à la révolution astronomique, c'est avant tout du fait de la transformation qu'il opère dans les moyens techniques relatifs à l'observation du ciel. Jusqu'à Tycho, nous l'avons dit, les techniques d'observation étaient assez rudimentaires. L'astrolabe, l'anneau astronomique, la sphère armillaire constituent davantage des moyens de représentation du ciel, permettant aux navigateurs de se repérer, que des instruments de mesure et d'observation proprement dits.

Astrolabe planisphère | Boutiques de Musées

L'observation de la position des astres s'effectue essentiellement à l'oeil nu, avec une batterie de compas dont l'exactitude est très relative.

patience...

Ptolémée avec un compas (manuscrit du XV° siècle)

Tout change avec Thycho Brahé, qui va installer un véritable observatoire sur son île-château, qu'il nomme "Uraniborg" (« palais d’Uranie » ou « palais des Cieux », Uranie étant la muse de l’Astronomie). D'origine noble, Tycho dépense sans compter pour faire construire des instruments de mesure toujours plus volumineux et précis (dont un cadrant mural de deux mètres), qui lui permettent d'effectuer des observations dix fois plus précises que celles dont on disposait à son époque (l'ironie de l'histoire voulant qu'il disparaisse avant la grande révolution technique que représentera le télescope, ou la lunette astronomique).

Ce qui apparaît (définitivement) avec Tycho Brahé, c'est l'idée selon laquelle ce sont bien les observations qui doivent venir tester la validité des théories : la théorie n'est recevable que si elle coïncide avec les résultats d'observation. Et comme ses observations seront beaucoup plus fiables que les précédentes, il ne sera plus possible de rejeter sur un défaut d'observation,  sur les approximations relatives à la mesure, l'échec de la théorie.

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Uraniborg

Les observations de Tycho l'ont-elles conduit à adopter le système de Copernic ? En fait, non. Le système élaboré par Tycho Brahé sera en fait une théorie "mixte", selon laquelle c'est bien la terre qui est au centre de l'Univers... tandis que les autres planètes (sauf la Lune) tournent autour du soleil. Cette théorie n'aura pas un grand avenir dans l'histoire de l'astronomie ; en fait, elle servira surtout de "solution de repli" à ceux qui (comme bon nombre de Jésuites), à la suite du procès de Galilée, chercheront à garder les avancées coperniciennes sans remettre en cause l'interdit portant sur l'hypothèse héliocentrique. C'est donc cette théorie qui sera peu à peu adoptée officiellement par l'Eglise catholique. Et cette théorie permet également de tenir à distance les objections que soulève l'idée d'un mouvement circulaire de la Terre autour du soleil, dès qu'on l'envisage comme une théorie vraie (absence de souffle, etc.) Car pour Tycho Brahé, la théorie astronomique qui correspond aux observations n'est déjà plus seulement une "hypothèse" : si la théorie "colle" aux observations, c'est qu'elle est vraie ; dans le cas contraire, elle est fausse.

En montrant que le système de Ptolémée ne permet pas de rendre compte des observations (et notamment des siennes), Tycho Brahé renforce donc la critique du modèle traditionnel. Il en détruit même deux des principes fondamentaux :

     a. tout d'abord, grâce à son observation de la "Supernova" de 1572. Dans le système de Ptolémée en effet, tout ce qui se passe au-delà des planètes du système solaire est rigoureusement éternel. Le monde des étoiles est celui de l'immutabilité : rien n'y nait, rien n'y disparait. Or Tycho Brahé, qui constate l'apparition de la Supernova, montre que son absence de parallaxe par rapport aux étoiles de la voûte céleste implique qu'elle se situe au-delà des planètes du système solaire : elle appartient donc bien au monde des étoiles. Il faudrait donc admettre que même dans ce monde il peut y avoir des choses qui apparaissent et qui disparaissent. Le caractère éternel de la "sphère des fixes" s'en trouve considérablement remis en cause... et avec elle la différence fondamentale que l'astronomie traditionnelle instituait entre le monde des planètes et celui des étoiles. Plus encore, c'est l'idée même de "sphère des fixes" qui se trouve fragilisée : en effet, comment concilier l'apparition d'une nouvelle étoile avec l'idée selon laquelle toutes les étoiles seraient "serties" dans une grande sphère qui délimiterait l'univers ? La "clôture" de l'univers par une sphère englobante commence à vaciller.

Gravure Camille Flammarion (1810) - Nuit 11 Nov. 1572 (Tycho Brahé)

Tycho Brahé observant la Supernova en 1572

Ce que renforce la deuxième destruction opérée par Tycho.

     b. c'est avec l'observation d'une comète que celle-ci va se produire, la grande comète de 1577 qui apparaît dans le ciel un soir de novembre. Là encore, Tycho va montrer (observations et calcus à l'appui) que cette comète se situe indéniablement au-delà du système solaire. Ceci vient réfuter la vieille doctrine, admise depuis Aristote, selon laquelle les comètes sont en fait des phénomènes atmosphériques qui se produisent en dessous de la Lune (dans le monde "sublunaire"). Mais plus encore, la trajectoire de la comète indique qu'elle a traversé celle des planètes du système solaire... Cette fois, ce sont les "orbes" des planètes qui viennent d'imploser. En montrant que la comète a franchi allègrement l'orbite des planètes, Tycho vient de détruire l'idée selon laquelle ces planètes seraient incrustées dans des sphères transparentes.

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La grande comète de 1577

On se retrouve donc avec une voûte céleste qui n'est plus éternelle, des planètes qui ne se trouvent plus sur des orbes... et donc avec l'idée selon laquelle les étoiles, elles non plus, ne seraient pas serties dans une sphère de cristal qui constituerait la périphérie de l'univers. Des planètes et des étoiles en mouvement dans le vide, un vide qui n'est peut-être plus délimité par une sphère englobante... le monde de Ptolémée commence sérieusement à vaciller.

Le problème, c'est justement que la théorie de Tycho ne permet toujours pas de "sauver les phénomènes" de façon satisfaisante... et notamment pas en ce qui concerne cette fameuse orbite de Mars qui, décidément, semble poser des problèmes insolubles. Et c'est justement la principale raison pour laquelle Tycho Brahé va décider de confier son étude à celui dont il devine qu'il constitue le plus grand astronome de son siècle (après lui, évidemment) : Johannes Kepler.