Andra Pozzo, Saint ignace en gloire (1691-1694)
Andrea Pozzo, "Saint Ignace en Gloire", 1691-1694,
Fresque de voûte en trompe-l'oeil de 36mètres sur 17 mètres (Rome, Eglise Saint Ignace de Loyola)
Cette fresque représente l’apothéose d’Ignace de Loyola et l’allégorie de l’œuvre missionnaire des Jésuites. Parmi les figures qui entourent saint Ignace, aux quatre angles de la voûte, apparaissent des allégories des quatre continents, convertis grâce aux missions jésuites.
Premier continent : l'Europe ; elle est représentée sous la forme d'une reine couronnée, dont une main couvre un globe, qui a soumis les deux géants de l'hérésie. Elle est assise en amazone sur un cheval.
Deuxième continent : l'Asie. Elle est cette fois personnifiée par une femme richement vêtue (mais sans couronne) ; elle aussi terrasse deux géants (dont celui de l'idolâtrie), assise pour sa part sur un dromadaire.
Troisième continent : l'Afrique, évidemment personnifiée par une femme noire, portant diadème. Elle est assise sur un crocodile, et tient la défense d'un éléphant. Elle aussi terrasse deux géants idolâtres.
Quatrième continent : l'Amérique ! est représentée par une femme amérindienne à moitié nue, portant une coiffure de plumes colorées. Assise sur un jaguar, elle est armée d'une lance avec laquelle elle combat ses deux géants idolâtres.
Outre la valeur que cette fresque peut avoir pour illustrer les liens entre prédication chrétienne et représentations géographiques, elle nous introduit déjà à notre point suivant, qui concernera la représentatrion picturale du monde, à partir de la notion de perspective. Pour réaliser sa fresque en 1685, le peintre (jésuite évidemment) Andrea Pozzo avait mis en pratique ses théories sur la perspective, telles qu'il les avait énoncées dans son uvrage : Perspectiva pictorum et architectorum ["perspective pictirale et architecturale"]
Pozzo a en effet mêlé l’espace réel (très peu bombé) de la voûte, et l’espace virtuel (très profond) du ciel peint, d'une façon telle qu'il est difficile de dissocier mentalement les deux. L'image est par ailleurs formée en anamorphose : elle est déformée pour correspondre à la déformation de l'image vue à partir d'un certain point de l'édifice : le centre de la nef. La déformation s'annule pour le spectateur situé à cet endroit ; mais de tout autre endroit, l'image semble déformée et, si on la regarde de l'autel, la déformation est flagrante. Le propre d'une anamorphose est en effet de proposer une image qui n'apparaît sans déformation que selon une perspective précise.
Nous avions déjà croisé une anamorphose célèbre dans la séquence précédente, avec le tableau d'Holbein, Les Amassadeurs :
Lorsque le tableau est vu par un spectateur qui se situe près du mur, à droite du tableau, la déformation du masque de la mort s'annule du fait de la déformation que l'angle de vue fait subir à l'image :
Face à cette oeuvre, se posait une question que l'oeuvre de Pozzo ne posera pas : quelle est la bonne perspective ?
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