Kant, proposition 5

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Dans la proposition 4, Kant a pris appui sur l'insociable sociabilité des hommes pour expliquer pourquoi la tension qui s'établit entre les hommes du fait de leur rivalité, les conduit paradoxalement à développer pleinement leurs capacités. Mais si l'on peut comprendre comment la concurrence et la rivalité peuvent pousser chacun à exploiter pleinement ses ressources (et notamment son intelligence), on en voit pas bien encore en quoi :

    a. la rivalité entre les hommes peut le conduire à développer leurs dispositions esthétiques et morales

    b. la rivalité entre les hommes peut conduire à un développement social, à une société organisée conformément à des règles admises par tous.

En effet, le jeu de la rivalité et de la concurrence n'est-il pas encore un jeu de "rapports de force" ? La lutte pour la domination peut-elle être un principe d'organisation sociale ?

C'est à ce second paradoxe que Kant répond dans la Proposition 5.

Guerre de Sécession - Le Nord contre le Sud (1861-1865)

La difficulté principale de cette proposition tient principalement à la longueur de la première phrase du paragraphe explicatif. Il est absolument impératif, si on veut l'expliquer, de la "séquencer", de l'analyser en éléments constitutifs (ce serait notamment tout à fait ompératif de la part d'un cadidat qui devrait présenter ce texte dans une épreuve orale de rattrapage !)

Séquence 1 : Commençons par la proposition elle-même. "Le plus grand problème pour l'espèce humaine, celui que la nature contraint l'homme à résoudre, est d'atteindre une société civile administrant universellement le droit."

Cette phrase contient trois affrmations :

     a. Le problème dont il est question est "le plus grand" pour l'espèce humaine, au sens où il est à la fois le plus difficile à résoudre, mais ausi le plus important. De la solution de ce problème dépendra la solution de beaucoup d'autres, qui lui sont subordonnés. D'après ce que nous avons déjà dit, on peut donc supposer que ce problème ne peut pas être résolu à l'échelle indviduelle, mais qu'il ne peut trouver sa solution qu'à l'échelle d'un groupe humain, voire de l'humanité toute entière [nous verrons que l'une et l'autre réponses sont correctes]. Plus encore, on peut supposer que la solution de ce problème ne pourra être trouvée, ou même amorcée, qu'à un stade déjà avancé du développement de l'humanité dans l'histoire. On peut en effet suppposer qu'une humanité qui aura su résoudre "son plus gand problème" sera déjà en marche vers l'accomplissement de l'Histoire.

     b. La solution de ce problème ne sera pas donnée à l'homme par la nature. Si la nature joue un rôle, c'est encore un rôle indirect : elle va contraindre l'homme... à résoudre son problème. C'est donc bien l'homme qui devra trouver la solution (en usant de sa raison), et c'est encre l'homme qui devra trouver la force (de volonté) de la mettre en oeuvre. Apparaît ici le rôle paradoxal de la nature chez Kant ; si elle porte atteinte à la liberté de l'homme (elle le contraint), c'est justement pour le forcer... à être libre : c'est-à-dire à trouver et à mettre en oeuvre par lui-même, la solution rationnelle des problèmes qui se posent à lui. Si la nature contraint l'homme, c'est bien à la liberté.

     c. le problème à résoudre est le suivant : comment atteindre "une société civile administrant universellement le droit". Pour comprendre en quoi il s'agit du "problème" à résoudre, il faut d'abord s'apercevoir que ce problème... est déjà lui-même la solution d'un problème préalable. La question "comment construire..." n'est un problème que pour celui qui veut opérer cette construction, et qui se demande comment s'y prendre. Il va donc falloir expliquer pourquoi l'homme va considérer comme nécessaire l'institution d'une "société civile administrant universellement le droit". En quoi cela peut-il lui permettre de résoudre un problème ?

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La réponse à cette question est donnée par le paragraphe explicatif. Nous allons donc pour le moment nous limiter à expliquer le sens des termes qui la composent.

"Société civile" : il faut faire très attention à cette formule, qui a pris des sens très différents au cours de l'histoire européenne. La "société civile" a débord désigné un groupement humain formé par l'association de plusieurs individus, ayant décidé de former une communauté pour satisfaire leurs besoins et leurs aspirations, ce qui a impliqué l'accord sur des règles communes. En ce sens, la "société civile" s'oppose à ce que l'on appellera, au XVII° siècle, "l'état de nature" : c'est-à-dire la situation dans laquelle se trouvaient les hommes à l'origine, avant toute vie collective, alors qu'ils n'étaient que des individus plus ou moins isolés, sans règles communes. C'est ce sens que prend le terme dans l'oeuvre de Kant (comme dans celle des autres penseurs des Lumières, comme Rousseau : pour Rousseau, le passage à la vie en société est celui qui conduit de "l'état de nature" à la "société civile").

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Par la suite, ce terme prendra un sens un peu différent, en se dissociant non plus de l'état de nature, mais à la société politique, et notamment à l'Etat. A l'heure actuelle, quand on parle de la "société civile", on parle essentiellement du système formé par le réseau de comunication et d'échanges (commerciaux, culturels) fondé sur les entreprises et les associations ; donc, par toutes les structures sociales sauf celles qui relèvent du service public (Etat). Ce second sens tend à remplacer peu à peu le premier au cours du XIX° siècle.

Pour éclairer le texte de Kant, il est important de s'en tenir au premier sens ; car justement, ce que doit produire la société civile, c'est avant tout le droit.

"Le droit" : le droit désigne ici l'ensemble des règles collectives et obligatoires régissant les rapports entre individus au sein d'une société. Le droit ne suppose pas nécessairement l'institution d'une autorité politique centralisée, chargée de l'énoncer et de le faire appliquer ; le droit n'implique donc pas nécessairement l'Etat. Dans les sociétés primitives, on peut parler de droit, sans pour autant reconnaître l'existence d'un pouvoir politique centralisé. Reste que, dans le cadre de la pensée occidentale, européenne, c'est bien à l'Etat que revient la charge d'édicter et de faire appliquer la Loi. Et quand les peneseurs du XVII° et du XVIII° siècle cherchent à expliquer pourquoi l'instauration du droit est nécessaire, cela les conduit (presque) toujours à montrer que l'instauration d'un Etat l'est également. Ce sera le cas, nous allons le voir, chez Kant (Lumières allemandes) ; mais c'est aussi le cas chez Rousseau (Lumières françaises), comme chez Thomas Hobbes ou John Locke (philosophes anglais du XVII° siècle, que les premiers connaissent). Plus encore, on pourrat même dire que, puisque la nécessité de l'Etat jaillit de la nécessité du droit, à chaque conception du droit (et de ce qui fait sa nécessité) correspondra une conception de l'Etat ; car le but de l'Etat tel qu'il apparaît à ces penseurs, c'est d'abord et avant tout de faire régner le droit.

Education civique: le pouvoir législatif - Cours 3ème Mistral

"administrant (le droit)" : l'une des raisons pour lesquelles le droit va renvoyer à l'Etat, c'est qu'il nécessite à la fois d'être élaboré et appliqué "correctement". Elaboré correctement, cela signifie, en ce qui concerne le droit, être énoncé par l'autorité légitime. Si celui qui énonce le droit n'est pas celui à qui il revient de le faire (ce qui est le cas lorsqu'un tyran usurpe la souveraineté), le droit perd toute valeur : il devient au plus le "droit du plus fort" qui, comme l'a souligné Rousseau, n'est pas du tout un "droit" (il n'a aucune légitimité : il ne repose que sur la force) : le fait que le plus fort puisse imposer ses règles ne lui donne pas le droit de le faire. Or "le droit", c'est seulement celui qui est énoncé par celui qui a le droit de dire le droit : l'aurorité légitime, ce que la pensée moderne appellera : le Souverain.

"Administrer" le droit, c'est donc avant tout le dire, l'édicter, le formuler : c'est ce qui définit le pouvoir législatif, qui revient au Souverain (ainsi, dans un régime démocratique, ce pouvoir revient au peuple, qui est donc (le) Souverain).

Mais c'est aussi le faire appliquer. Car le droit n'est pas simplement un ensemble de "promesses"; d'engagements verbaux. C'est surtout un ensemble d'obligations dont la transgression implique une sanction ; et c'est justement à l'Etat que reviendra la tâche de déterminer et de mettre en oeuvre la sanction. Comme le dira en termes clairs Max Weber (l'autre père fondateur de la sociologie moderne, avec Durkheim), l'Etat n'est pas seulement le détenteur de l'autorité légitime, lui permettant de dire le droit : c'est le détenteur de la violence légitime ; il est le seul à avoir le droit de recourir à la violence pour "punir" un citoyen, et il ne doit le faire qu'en cas de violation du droit. Administrer le droit, ce n'est donc pas seulement l'énoncer : c'est le faire effectivement appliquer au sein de la société, veiller à ce que chaque individu le respecte : ce qui définit cette fois le "pouvoir exécutif', tel qu'il est assumé par un gouvernement.

Il faut concevoir l'État contemporain comme une communauté humaine ...

"universellement" : en quoi cette administration du droit doit-elle être "universelle" ? Ce qui est universel, c'est ce qui s'applique à tout être, quel qu'il soit. Ainsi, la validité d'un théorème mathématique (comme : "la somme des angles d'un triangle est égale à deux droits") est unibverselle, dans la mesure où elle vaut pour tout triangle, quel qu'il soit. Aucun triangle ne fait exception, et pour savoir que la somme des angles d'une figure est égale à deux droits, il suffit de savoir qu'il s'agit d'un triangle. En quoi le droit doit-il alors être administré de façon universelle ?

D'après ce que nous avons dit, il doit être universel dans son énonciation : une règle énoncée doit être valable pour tous ceux qui se trouvent dans la situation qu'elle désigne. "Il est interdit de fumer dans les lieux publics" : cela vaut pour tout individu se trouvant dans n'importe quel lieu public. Une loi doit donc seulement contenir une obligation, une autorisation ou une interdiction ("il est interdit de fumer dans les lieux publics") ; elle ne doit jamais mentionner tel ou tel individu en particulier. Même la loi qui stipule qu'un mineur n'a pas le droit d'acheter de l'alcool vaut en fait pour tout individu, dès lors qu'il entre dans la situation concernée (c'est-à-dire : dès lors qu'iol est mineur). On peut d'ailleurs remarqer que, pour ce cas précis, la loi s'arrange pour faire porter l'interdiction sur celui qui est bien responsable devant la loi : l'adulte ; c'est à l'adulte que la loi interdit de vendre de l'alcool à un mineur. La loi ne doit donc pas "faire acception de personne".

De même, le droit doit être universel dans son application : tout homme doit être contraint de lui obéir, et donc être "justiciable" en cas de non-respect du droit. Il peut y avoir des privilèges dans le domaine économique, dans le domaine religieux, etc. : mais nul ne saurait se voir accordé le privilège... de désobéir aux lois.

Parer d'administration universelle du droit, c'est donc rencontrer deux principes fondamentaux du droit moderne. D'une part, puisque la loi s'adresse à tous, et que tous les hommes doivent lui obéir, il faut admettre que tous les hommes snt également soumis à la loi.

     1. Tous les hommes doivent obéir aux lois, tous doivent être soumis à la loi (nul ne doit jouir d'une quelconque "impunité", être "au-dessus des lois"): c'est ce qui définit "l'Etat de droit".

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Mais ce principe en indique un autre, selon lequel

   2. Tous les hommes doivent être soumis aux mêmes lois : la loi ne doit faire aucune différence entre les individus : c'est ce qui définit "l'égalité devant la loi".

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Tel est donc le "problème" que l'humanité doit, selon Kant, résoudre : instituer une organisation sociale (société civile), dans laquelle les rapports entre individus seront régies par un droit (un ensemble de règles collectives obligatoires) administré universellement (auquel tous doivent obéir et devant lequel tous sont égaux).

Comme nous l'avons dit, il faut d'abord comprendre pourquoi l'homme doit résoudre ce problème : pourquoi les hommes ont-ils besoin de créer une société régie par un droit universellement administré ? C'est ce que va expliquer le paragraphe qui suit.

Séquence 2 : "Comme c'est seulement dans cette société – et, à vrai dire, dans celle qui possède la plus grande liberté, par suite aussi un antagonisme général de ses membres, et cependant la détermination et la garantie les plus exactes des limites de cette liberté afin qu'elle puisse coexister avec celle des autres –, comme c'est seulement en elle que peut être atteint dans l'humanité le dessein suprême de la nature, à savoir le développement de toutes ses dispositions, la nature voulant également que l'humanité soit obligée de réaliser elle-même cette fin, ainsi que toutes les fins de sa destination, une société dans laquelle la liberté sous des lois extérieures se trouvera liée, au plus haut degré possible, à une puissance irrésistible, c'est-à-dire une constitution civile parfaitement juste, doit être pour l'espèce humaine la tâche suprême de la nature".

Comme je l'ai précisé auparavant, cette phrase est beaucoup trop longue pour pouvoir être expliquée d'un seul tenant : il faut donc la décomposer. Pour ce faire, nous allons commencer par suprimer toutes les incises, pour trouver la structure fondamentale ; nous rajouterons ensuite les éléments un par un.

     "Comme c'est seulement dans cette société (...) que peut être atteint le dessein suprême de la nature, (...) [elle] doit être pour l'espèce humaine la tâche suprême de la nature."

La phrase affirme donc que l'instauration d'une société (civile) administrant universellement le droit [séquence 1] est ce qui permettra à l'humanité d'atteindre le but que la nature poursuit dans l'histoire : elle est donc la condition à laquelle le "but" de l'histoire pourra être atteint. On comprend donc que l'instauration de cette société doit être considérée comme la tâche suprême de l'humanité, puisque c'est de cette manière que l'humanité pourra atteindre le but que la nature lui a prescrit : le but de l'histoire humaine. Quel est ce but, et pourquoi l'instauration de cette société est-elle nécessaire pour l'atteindre ?

       "...à savoir le développement de toutes ses dispositions..."

Nous retrouvons ici l'affirmation que nous avons déjà exposée dans les propositions précédentes : le but que la nature poursuit à travers l'histoire de l'humanité, c'est le plein développement de toutes les dispositions naturelles de l'homme, l'épanouissement complet de ce qui fait l'humanité de l'homme. L'histoire de l'humanité, c'est l'histoire de l'humanisation de l'homme, l'histoire de l'actualisation effective de la nature humaine,l'actualisation de toutes les "potentialités" qui se trouvent en germes dans l'homme ; ce qui, nous l'avons vu, ne peut se faire qu'à l'échelle de l'humanité entière, et non au sein d'un individu particulier.

     "...la nature voulant également que l'humanité soit obligée de réaliser elle-même cette fin, ainsi que toutes les fins de sa destination..."

Là encore, nous retrouvons ce que nous avons déjà vu : le développement par l'homme de ses dispositions naturelles doit être l'oeuvre de l'homme lui-même, de son travail, de ses efforts ; la nature n'a donné à l'homme que des "dispositions", et c'est par lui-même que l'homme doit les développer, en faisant usage de cette faculté qui lui est propre : la raison. L'homme doit produire par lui-même le plein développement de ses dispositions naturelles. Si donc l'instauration d'une "société civile administrant universellement le droit" est la condition pour que l'homme puisse réaliser ce plein développement, cette instauration devra être l'oeuvre de l'homme lui-même. Mais pourquoi cette instauration est-elle nécessaire au plein développement des capacités de l'homme ?

     "...celle qui possède la plus grande liberté, par suite aussi un antagonisme général de ses membres, et cependant la détermination et la garantie les plus exactes des limites de cette liberté afin qu'elle puisse coexister avec celle des autres...."

C'est le point-clé : si l'instauration d'une société civile administrant universellement le droit est la condition que l'humanité doit remplir pour pouvoir parvenir au plein développement des dispositions naturelles, c'est parce qu'en elle la liberté est maximale. Pourquoi la liberté est-elle la condition du développement des facultés ?

La Liberté guidant le Peuple de Delacroix

Nous avons déjà expliqué [proposition 2] pourquoi, chez l'homme, le développement des dispositions naturelles était lié à l'usage que l'homme faisait de sa raison. C'est la raison qui donne à l'homme les fins en vue desquelles il doit faire usage de ses forces (physiques ou mentales). Par conséquent, c'est donc bien lorsque l'homme est laissé libre de mobiliser ses capacités pour atteindre les buts que sa raison lui prescrit qu'il sera à même de les exploiter pleinement. Encore une fois, si l'homme exploite ses capacités, ce n'est pas parce qu'il a une tendance naturelle à le faire. Nous l'avons dit, l'homme est un animal naturellement paresseux ; s'il exploite ses capacités, c'est parce que cela lui apparaît nécessaire pour atteindre ses buts. Il n'y a donc que là où on laisse les hommes pleinement libres d'atteindre les buts que leur raison leur prescrit qu'ils feront pleinement usage de leurs capacités.

Donc : le développement maximal des capacités humaines implique la garantie d'une liberté maximale.

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La première source de la motivation... c'est que le but ait été librement choisi

Il y a cependant un problème : la proposition 4 a bien montré en quoi le fait que chacun poursuive ses propres buts, et d'abord son propre intérêt, peut conduire à une pleine mobilisation par chacun de ses facultés. Et nous venons d'expliquer pourquoi c'est lorsqu'on laisse les hommes libres de poursuivre leurs propres buts que le développement des facultés est maximal. Mais alors... pourquoi la loi ? Si le développement par chacun de ses capacités est maximal quand on laisse chacun libre de poursuivre comme il l'entend les buts qui sont les siens... pourquoi instaurer des lois ? N'est-ce pas contradictoire ?

     "....une société dans laquelle la liberté sous des lois extérieures se trouvera liée, au plus haut degré possible, à une puissance irrésistible...."

La réponse donnée par Kant est claire. Comme l'a montré la proposition 4, si chacun, pour atteindre les buts qui sont les siens, est conduit à développer pleinement ses capacités, c'est d'abord parce qu'il entre dans des rapports de rivalité avec les autres. Il veut "faire ce qu'il veut" en vivant parmi des hommes qui, eux aussi, veulent "faire ce qu'ils veulent" : il doit donc se hisser au-dessus d'eux pour pouvoir imposer sa volonté. Pour s'approprier le maximum de biens et de pouvoir dans une communauté où chacun veut accéder au maximum de biens et de pouvoir... il faut atteindre une position dominante, ce qui exige une mobilisation de toutes nos ressources.

Ceci fait apparaître la menace que la rivalité fait peser sur la liberté : la lutte pour la domination risque fort de conduire à une situation où la liberté est détruite par l'accès au pouvoir de ceux qui auront réussi à s'imposer au sein du corps social. De sorte que... seuls jouiront de la liberté (nécessaire au développement des dispositions humaines) ceux qui auront réussi à établir leur domination.

Ceci pose doublement problème du point de vue du "but" que la nature poursuit : d'une part, cela restreint le développement des dispositions humaines (qui exige la liberté) à une élite sociale dominante ; d'autre part, cela risque fort d'orienter le développement des facultés dans un sens... qui n'a rien de "progressiste" ! Car ce que vise un groupe dominant, c'est souvent le maintien de sa domination, et non l'évolution de la société vers une organisation plus raisonnable...

La prétendue supériorité de l'homme sur la femme et la despotique ...

Pour que le développement des capacités humaines puisse s'effectuer de façon optimale, il est donc nécessaire de garantir à tous la possibilité de mobiliser leurs capacités pour atteindre ses propres buts : il faut garantir la liberté de chacun

Or pourquoi des individus poursuivant de façon égoïste leurs propres buts (la richesse, le pouvoir) se montreraient-ils respectueux de la liberté des autres ? Kant le souligne : dans une société où chacun est laissé libre, l'antagonisme (la rivalité, la concurrence) est maximal ; ce qui est une bonne chose, pusique c'est cet antagonisme qui pousse les hommes à exploiter leurs capacités. Mais l'inverse n'est pas vrai : dans une société dans laquelle l'antagonisme est maximal... la liberté est en danger ! Car la liberté de chacun risque perpetuellement d'être détruite par la domination de ceux qui auront réussi (par la force ou la ruse) à imposer leur volonté.

Pour que la liberté de chacun soit garantie, et que le développement des capacités puisse jouer à plein, il est donc nécessaire que le respect de la liberté des autres soit imposé à chaque individu. La maximalisation de la liberté dans une société implique (paradoxalement) une limitation des libertés de chacun : chacun doit être laissé pleinement libre de poursuivre les buts que sa raison lui indique, par les moyens que sa raison lui prescrit... tant qu'il ne porte pas atteinte à cette même liberté chez les autres. La liberté de chacun doit être limitée par la liberté des autres. Or, dans la mesure où les hommes ne sont pas spontanément enclins à fixer ces limites à leur liberté, elles doivent leur être imposées : c'est le rôle du droit.

  Ce paragraphe nous indique donc deux choses essentielles :

       a. il nous indique pourquoi le droit est nécessaire pour que l'humanité puisse atteindre le but que la nature lui prescrit (le plein développement des capacités humaines, qui exige la garantie de la liberté de chacun)

      b. il nous indique ce qu'est la fonction du droit dans le plan global de la nature, dans l'histoire humaine : la fonction du droit est de garantir à chacun sa liberté.

La droit est nécessaire, le but du droit est de garantir la liberté individuelle : c'est la conception républicaine du droit qui se trouve ainsi fondée.

La déclaration des droits de l'homme de 1789, chef-d'œuvre libéral ...

Un peu plus tard...

Il est donc juste de dire que le plein développement des dispositions naturelles de l'homme exige une liberté maximale laissée à chacun ; mais cette liberté exige à son tour que la liberté de chacun soit limitée par le respect de la liberté des autres, ce que seul peut garantir l'instauration d'un droit, qui s'impose "de l'extérieur" aux individus (il ne s'agit pas de s'en remettre à l'exigence intérieure de leur conscience morale... ou de leurs désirs !), et qui soit capable de les contraindre en recourant à une "piuissance irrésistible". La liberté n'est maximale que dans une société où chacun est contraint de respecter la liberté des autres ; et ce n'est que dans une société où la liberté de chacun est respectée que le plein développement des dispositions peut s'effectuer.

Quel nom dès lors donner à ce "droit garantissant à chacun, par la force s'il le faut, le respect de la liberté des autres ?"

     "...c'est-à-dire une constitution civile parfaitement juste"

Un système juridique fondé sur le principe fondamental de la garantie de la liberté de chacun est une "constitution parfaitement juste". La "Constitution", c'est le système du droit en tant que celui-ci est fondé sur un certain nombre de principes fondamentaux (les principes "constitutionnels", au respect desquels sont soumises toutes les lois). Et pour Kant, la Constitution fondée sur le principe de la liberté de chacun est la Constitution "parfaitement juste". Comment comprendre cette formule ?

La notion de "justice" doit être ici rattachée à son sens primordial, celui qui était déjà le sien chez les penseurs Grecs de l'Antiquité. Pour Platon, pour Aristote, une loi "juste" possède deux propriétés :

     a. elle est conforme au "Bien commun", à l'intérêt général. Est juste ce qui est conforme à l'intérêt de la Cité (et non à l'intérêt personnel de tel ou tel individu)

     b. elle est conforme à la Raison : car c'est la raison qui nous permet de déterminer ce qui doit être, ce qu'est le "Bien commun"

En quoi peut-on dire alors que le principe de respect de la liberté de chacun est le principe sur lequel repose une Constitution "parfaitement juste" ? La réponse, pour Kant, est claire : ce qui est conforme à l'intérêt général, au bien commun, c'est le fait qu'aucun individu ne puisse imposer son intérêt personnel du fait de sa position dominante au sein de la société. Le "droit du plus fort" est sans doute un principe qui est dans l'intérêt... du plus fort ; mais seul le respect de la liberté de chacun correspond à l'intérêt commun, à l'intérêt général.

Cet argument est renforcé chez Kant par le fait que le respect de la liberté de chacun conduit au plein développement des capacités humaines ; or ce développement profite au collectif, à la société. Une société se développe d'autant plus que les talents qui se trouvent en germes dans les individus qui la composent trouvent à s'exprimer et s'épanouir. La garantie de la liberté de chacun, qui permet cet épanouissement, est donc bien dans l'intéret général.

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Une vieille erreur à éviter : l'intérêt général, ce n'est pas l'intérêt personnel de tous...

Mais il y a un autre ordre de raisons pour lequel le respect de la liberté est le principe d'une Constitution juste. C'est que, chez Kant, le plein développement des dispositions humaines est toujours lié au développement de la raison. En favorisant le développement des capacites humaines, c'est donc bien le dévéloppement de la rationalité que l'on favorise. Le principe de garantie de la liberté individuelle est donc le principe le plus conforme aux exigences de la raison.

En outre, aux yeux de Kant c'est bien la liberté de l'homme, sa capacité à asoumettre ses actes à sa raison, par l'intermédiaire de sa volonté, qui élève l'homme au-dessus de tous les animaux : c'est elle qui fonde sa dignité. Garantir la liberté de l'homme, c'est donc poser comme principe fondamental le respect de la dignité humaine.

Mais plus encore : en favorisant le progrès de la raison, c'est bien le progrès moral de l'humanité que le respect de la liberté favorise. Car pour Kant (nous y reviendrons) la moralité de l'homme repose intégralement sur l'obéissance à la raison : car c'est la raison qui formule cette "loi morale" qui dicte à l'homme ce qu'il doit faire.

On comprend donc en quoi le principe de garantie de la liberté individuelle est le fondement d'une Constitution "parfaitement juste" :

     _ il maximise l'intérêt général

     _ il répond aux exigences de la raison

     _ il fonde le droit sur le respect de la dignité humaine

     _ il répond à l'exigence du développement moral de l'humanité

Nous comprenons donc pourquoi l'instauration d'une "société civile administrant universellement le droit" peut être considéré comme la tâche suprême de l'humanité : c'est elle qui permettra à l'humanité d'atteindre le but que la nature lui prescrit, en garantissant à chacun la liberté nécessaire au plein développement des dispositions humaines.

Citation Dieu, Homme & Humanite (Tiendrébéogo Michel - Phrase n ...

Reste une question : pourquoi l'humanité chercherait-elle à assumer cette "tâche" ? Si l'humanité visait effectivement, consciemment, volontairement à atteindre le but que la Nature poursuit dans l'Histoire, la réponse serait évidente : puisque cette tâche est nécessaire pour atteindre le but, il faut la mener à bien. Mais encore une fois, le but de la Nature n'est aucunement le but des hommes dans l'Histoire. Les hommes, individuellement et collectivement, n'agissent pas du tout en vue d'atteindre le "but" que serait la pleine humanisation de l'Homme. Ce que visent les hommes, c'est leur intérêt ; plus encore, c'est ce qui leur semble être leur intérêt : c'est-à-dire principalement : le plaisir, la richesse, le pouvoir.

Mais alors pourquoi instaureraient-ils "une société civile administrant universellement le droit" ? Pourquoi rempliraient-ils la condition permettant d'atteindre un but... qu'ils ne poursuivent pas du tout ? C'est ce qu'indique la séquence suivante.

Séquence 3 : "C'est la détresse qui force l'homme, si épris par ailleurs de liberté sans frein, à entrer dans cet état de contrainte ; et, à vrai dire, c'est la plus grande des détresses, à savoir celle que les hommes s'infligent eux-mêmes les uns aux autres, leurs inclinations ne leur permettant pas de subsister les uns à côté des autres à l'état de liberté sauvage."

La réponse de Kant est claire : si l'homme instaure le droit, ce n'est pas du tout par amour de la liberté de chacun. Ce n'est pas parce qu'il respecte les autres. Ce n'est pas parce qu'il se soucie de la dignité humaine. Ce n'est pas parce qu'il veut participer à la marche de l'humanité vers la fin que la nature lui a prescrite. ce n'est pas parce qu'il ressent en lui l'exigence d'une moralité qui demande à s'épanouir. C'est tout simplement... parce qu'il constate qu'il lui est impossible de faire autrement !

L'homme veut vivre en société, parce qu'il veut jouir des avantages que cela lui apporte. Mais la vie en société est impossible sans l'instauration du droit. Livré à lui-même, le jeu de la rivalité entre individus conduit à un antagonisme débridé au sein duquel chacun devient une menace pour l'autre. Kant rejoint ici deux autres grands penseurs du "pacte social" (Hobbes) et du "contrat social"(Rousseau) passé entre les hommes : si les hommes ont accepté de se soumettre collectivement à des lois, c'est parce qu'ils ont d'abord expérimenté les conséquences de l'absence de lois. Et ces conséquences, telles que les présente Kant (qui est ici beaucoup plus proche de Hobbes que de Rousseau), sont catastrophiques : la rivalité anarchique entre les hommes conduit à un état de guerre (Hobbes parlait de "guerre de tous contre tous") que chacun subit.

Si l'homme accepte de soumettre son rapport aux autres à un droit commun, ce n'est pas parce qu'il écoute sa raison, qui lui dit (sans qu'il ait besoin d'en faire l'expérience) que la coexistence entre les hommes sera impossible sans les lois. C'est parce qu'il fait l'épreuve de la vie sauvage, de la rivalité sans frein, et qu'il constate qu'il fait alors face à un problème. Ce n'est que confronté au problème posé par l'absence de lois, à la "détresse" qui s'ensuit, que l'homme va chercher à le résoudre, et interroger sa raison pour déterminer ce qu'il convient de faire. En d'autres termes, c'est bien encore par égoïsme, pour satisfaire les exigences de son intérêt, que l'homme va instituer le droit ; et il ne le fera qu'il aura vécu la détresse qui résulte, pour l'homme, de ne pas interroger dès le départ sa raison, et de se soumettre à ses décrets.

L'homme obéira à sa raison : il instaurera le droit. Mais il ne le fera que contraint et forcé par la détresse à laquelle le condamne une conduite déraisonnable...

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Nous voyons donc apparaître ici une nouvelle face du "paradoxe" souligné par Kant dans la proposition 4 : les pires causes (le désir de dominer, la cupidité, etc.) produisent dans l'humanité les meilleurs effets. La fin du texte est d'ailleurs un approfondissement de ce que disait déjà la proposition 4 :

Séquence 4 : "Seulement, dans cet enclos que constitue la société civile, ces mêmes inclinations produisent précisément par la suite le meilleur effet. Ainsi, dans une forêt, les arbres, justement parce que chacun essaie de ravir à l'autre l'air et le soleil, se contraignent réciproquement à chercher l'un et l'autre au-dessus d'eux, et par suite ils poussent beaux et droits, tandis que ceux qui lancent à leur gré leurs branches en liberté et à l'écart des autres poussent rabougris, tordus et courbés. Toute culture et tout art dont se pare l'humanité, ainsi que l'ordre social le plus beau, sont les fruits de l'insociabilité, qui est forcée par elle-même de se discipliner et de développer ainsi complètement par cet artifice imposé, les germes de la nature."

C'est parce que l'homme est égoïste et dominateur qu'il va être peu à peu conduit à instaurer le principe fondamental d'une "Constitution parfaitement juste" !

C'est son amour pour sa liberté qui va le conduire à accepter la limitation de cette liberté par un droit contraignant.

C'est son mépris pour la liberté des autres qui va le conduire à poser comme principe le respect de la liberté de chacun !

C'est le caractère déraisonnable de l'homme qui le conduit à interroger sa raison et à mettre en oeuvre ses principes : c'est parce qu'il fait l'épreuve des conséquences de sa déraison que l'homme devient plus raisonnable.

Ce qu'il y a de pire en l'homme accouche de ce qu'il a de meilleur.

https://d3n8a8pro7vhmx.cloudfront.net/campagnequebecvie/pages/8477/meta_images/original/Saint_Augustin.jpg?1563296677

Une très vieille idée de Saint Augustin : même le péché participe au Salut...

Nous voyons apparaître ici ce qui constitue la "ruse" de la Nature chez Kant. La Nature conduit bel et bien l'homme à réaliser le but qu'elle a fixé à l'humanité. Mais elle fait en sorte que ce soit l'homme lui-même, qui, de lui-même, parvienne à ce but. Ce n'est pas la Nature qui doit "prendre la décision" d'instaurer le droit : elle n'a pas doté l'homme d'un "instinct de perfection" qui le conduirait à aimer l'effort ; elle ne l'a pas doté d'un "instinct politique" qui le contraindrait à respecter autrui. Au contraire : elle a animé l'homme de tendances égoïstes qui l'orientent d'abord vers son intéret. Mais c'est justement cet égoïsme qui pousse l'homme à développer ses capacités et à permettre le développement des hommes en général en garantissant leur liberté. C'est parce qu'il fera l'épreuve des conséquences auxquelles conduit une quête débridée, déraisonnable de son intérêt, que l'homme fera usage de sa raison, et qu'il en suivra les décrets.

Et en le faisant, l'homme aura fait un pas de plus vers son "humanisation" : non seulement il aura favorisé le développement des dispositions humaines, mais il se sera lui-même perfectionné : car en faisant usage de sa raison, l'homme devient plus rationnel ; et en se résignant à se soumettre à sa raison, l'homme devient plus raisonnable. Plus encore : en instaurant une société conforme à la justice, l'homme tend à devenir lui-même plus juste : car c'est dans une société juste que le souci de la justice peut éclore et se développer. Et en devenant plus rationnel, plus raisonnable et plus soucieux de la justice, l'homme pourra faire éclore ce qui l'élève définitivement au-dessus du règne animal : sa moralité.

Comme l'arbre qui, parce qu'il cherche à s'élever (égoïstement) au-dessus des autres, pousse "haut et droit", l'homme du fait de sa rivalité avec les autres s'élevera vers une conduite plus "haute" et plus "droite". Et si un arbre ne devient pas plus "arbre" parce qu'il pousse haut et droit, l'homme, lui, devient incontestablement plus humain.

 Corniche des Forts, ce dimanche. Les défenseurs de la Corniche des forts ont réalisé une chaîne humaine en lisière de la forêt pour stopper le projet d’aménagement du site.

 

 

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