Articles de ibahiyya

  • Pour les Tl : réponse au sujet du sujet

    L'un d'entre vous m'a posé une question qui nous a conduits à clarifier quelques uns des enjeux du sujet. La question initiale était de savoir si, dans le traitement du sujet sur liberté / bonheur, on pouvait commencer par montrer en quoi la liberté conduisait au bonheur et en quoi d'autres facteurs pouvaient intervenir. Comme tel, ce plan n'est pas "hors-sujet", mais il n'est pas entièrement satisfaisant. Car l'idée exprimée par le "a-t-on besoin de" n'est pas suffisamment mobilisée dans la problématisation. 

    Demander si nous "avons besoin de" la liberté, c'est d'abord se demander (c'est le sens de cette formule) si la liberté est une condition nécessaire du bonheur. Il ne suffit donc pas de montrer que "la liberté peut nous permettre d'être heureux" : il faut encore montrer si (et pourquoi) il est possible d'être heureux sans être libre. La liberté est-elle nécessaire au bonheur humain ?

    En ce qui concerne la deuxième partie, elle présente un risque. Le sujet ne vous demande pas s'il y a d'autres choses que la liberté qui peuvent nous servir dans notre recherche du bonheur (il ne s'agit pas du sujet "de quoi avons-nous besoin pour être heureux ?"). Il faut que chacune de vos parties maintienne une place pour les deux notions présentes du sujet : la liberté, le bonheur. Si la liberté ne joue plus aucun rôle dans l'une de vos parties... il y a de grandes chances pour que vous soyez en train de glisser vers le hors-sujet.

    Comme souvent, ce qui fait que l'on glisse vers le hors-sujet, c'est le fait que l'on glisse... sur le sujet lui-même, c'est-à-dire que l'on passe sur ce qui en lui "pose problème". Le but est bien de résoudre un problème : or en quoi le fait d'énumérer les choses qui peuvent nous rendre heureux peut-il nous aider à résoudre un problème ? Et pourquoi ce problème serait-il celui du sujet ?

    Pour rester en contact avec le problème, il faut garder à l'esprit les objections que l'on peut vous faire. Le but n'est pas de "donner les raisons pour" et ensuite "les raisons contre" : pas du tout. Mais le but est de défendre une prise de position à l'égard du sujet : et défendre une position, ce n'est pas oublier toutes les objections qu'on pourrait nous faire. Vous devez envisager les arguments de "l'adversaire", pour y répondre.

    Supposons que vous cherchiez à défendre la position selon laquelle il est impossible pour un être humain d'être heureux sans être libre. Il va alors falloir songer à ceux qui vont tenter de défendre le point de vue contraire, et leur répondre. Que pourrait-on ainsi vous objecter ? Supposons qu'un interlocuteur fictif vous dise : le bonheur, c'est avant tout l'état de celui qui est pleinement satisfait (= dont tous les désirs sont satisfaits), et qui ne connaît donc ni frustrations, ni angoisses (ce qui n'est pas si mal, comme définition...). Pour que la liberté soit une condition du bonheur, il faut donc que la liberté fasse nécessairement partie des désirs humains, ou que j'en aie absolument besoin pour pouvoir satisfaire mes désirs. [Je vous laisse réfléchir par vous-même sur ce second morceau de phrase... qui doit normalement correspondre à un moment de votre réflexion. Pourquoi aurais-je besoin d'être libre pour pouvoir satisfaire MES désirs ? est-ce seulement une question de "capacité" de les satisfaire ? Ou dois-je être libre pour pouvoir découvrir CE QUE je désire ? ]

    Or, poursuit votre interlocuteur, pourquoi devrais-je nécessairement désirer la liberté ? Ne puis-je pas préférer un esclavage confortable à une liberté périlleuse ? En d'autres termes, votre adversaire vous renvoie ici à la fable du chien et du loup. Pourquoi choisir d'être loup plutôt que chien ? Il va falloir justifier votre point de vue. Ne pourrait-on pas anesthésier le désir de liberté chez les hommes ? Ne serait-ce d'ailleurs pas le meilleur moyen de les rendre heureux ? C'est bien la question qui est posée dans "Le meilleur des mondes" de Huxley (il serait d'ailleurs vraiment souhaitable que vous ayez lu ce fantastique livre d'ici la fin de l'année, et pas seulement pour votre réussite au bac. Je le mettrai sur votre étagère au CDI...)

    Votre adversaire peut encore vous objecter l'idée suivante. Supposons, supposons que tout homme désire la liberté. Mais dans ce cas, ne suffit-il pas de croire que nous sommes libres pour être heureux ? Si j'ai l'illusion d'être libre, en quoi le fait de ne pas l'être peut-il affecter mon bonheur ? Ce dont j'ai besoin, n'est-ce pas davantage la croyance dans le fait que je suis libre... que le fait d'être libre ? Un bonheur réel ne peut-il reposer sur une liberté illusoire ? Cette fois, ce n'est plus "Le meilleur des mondes" qu'il faut interroger, mais des films comme "Matrix" (ou même, dans un autre style, ce gros navet qu'est "Total Recall"...) Dans ces films, on retrouve une fiction qui a été récemment proposée par un philosophe américain (Nozick), et que je modifie un peu ici. Vous êtes face à une "machine à rêves" ; si vous décidez d'y entrer, vous oublierez totalement que vous n'êtes qu'en train de rêver, et vous vivrez une vie merveilleuse, où tous vos désirs seront satisfaits. Bien évidemment, vous ne serez pas libres de ce qui vous arrive (le rêve est programmé), mais vous n'en aurez pas conscience. Que choisirez-vous ? Entrer, ou ne pas entrer ? Dans un cas, une liberté fictive mais une vie "de rêve" ; dans l'autre cas, une liberté plus substantielle mais une vie... réelle. Quel sera votre choix ? Et pourquoi ? Dans Matrix, le personnage de Cypher choisit la machine. Il avoue bien, en un sens, qu'il a besoin de se croire libre pour être heureux, puisqu'il veut impérativement "tout oublier" à son retour dans la matrice (il ne veut pas savoir qu'il est en train de rêver). Feriez-vous le même choix que lui ? Pourquoi ?

    C'est ce type de questions qu'il va falloir affronter dans votre devoir. Ce ne sont pas les seules, et ce que je viens d'écrire ne constitue ni une proposition de problématique, ni une proposition de plan. En revanche, cela doit vous guider dans l'éclairage des problèmes que pose le sujet. Encore une fois, si vous n'êtes pas obligés de réfléchir pour trouver les arguments qui justifient vos affirmations... c'est que ces affirmations ne sont probablement pas susceptibles de résoudre un problème !

    Je vais mettre dans votre espace quelques textes sur lesquels vous pourrez vous appuyer, si vous le voulez. Vous les trouverez dans votre espace "ressources".

    Bon courage !

  • Pour les TL : le déterminisme social est en ligne

    La présentation de la notion de déterminisme social à partir de l'analyse bourdieusienne du système scolaire républicain est en ligne. Vous la trouverez dans votre espace où en cliquant ici.

    Bonne lecture... (le document est un peu plus long que d'habitude).

  • Pour les TL et les TES : les quizs font leur apparition !

    La mise en ligne des quizs a commencé ; pour les TL, vous en trouverez deux dans votre espace ou en cliquant ici. Pour les TES, le premier est en cours d'élaboration et vous le trouverez ici. Attention : dans la mesure où je suis susceptible d'ajouter des questions à un quiz déjà mis en ligne, n'hésitez pas à aller reconsulter un quiz déjà effectué.Je rappelle que je ne dispose d'aucune information concernant l'identité et les résultats de ceux qui font un quiz (aucune information à ce sujet ne vous est d'ailleurs demandée). N'hésitez donc pas à utiliser ces supports, qui vous indiquent toujours les bonnes réponses en fin de "partie" et qui pourront vous êtres utiles lors des DS. A vous de jouer...

  • Réponse à l'une d'entre vous

    Bonjour,

    L'une d'entre vous m'a demandé ce matin si le principal objectif de la philosophie consistait à nous apprendre que nous n'étions rien. De fait, nous croiserons au cours de l'année les affirmations selon lesquelles nous ne sommes pas libres, que l'existence n'a pas d'autre sens que celui qu'on lui donne, que les valeurs morales ne reposent sur rien, qu'il n'y a rien après la mort, que le progrès est une illusion, que la raison échoue face aux questions les plus fondamentales, qu'il n'existe aucune vérité absolue (même en mathématiques), que notre conscience n'est qu'une surface déterminée par des forces qui nous échappent, que tout système politique vise nécessairement à établir une forme de domination de l'homme sur l'homme et que, par ailleurs, Dieu est mort. 

    De ce point de vue, j'avoue que ce n'est pas une discipline qui a de quoi nous rendre guillerets. Cela dit, de nombreux philosophes (Nietzsche, par exemple) nous ont enseigné que la véritable philosophie commençait une fois que ce travail de démolition avait été effectué. Une fois reconnue l'évidence de toutes ces thèses, une fois libérés des illusions qui les contredisent, que faisons-nous ? On peut déjà supposer qu'il y a deux possibilités : soit on devient nihiliste et l'on passe le restant de ses jours à ruminer une sombre lucidité, voire à colporter la "mauvaise nouvelle" en évangélistes dépressifs. Soit on retrouve la force de l'enfant qui sait faire de la vie un jeu, et qui sait inventer perpétuellement de nouvelles règles sans se cacher que c'est lui qui les invente. Face au néant ou à l'absurdité, on n'a que deux possibilités : le désespoir, ou la création... Après tout, ne faut-il pas d'abord reconnaître que la vie "n'a" pas de sens en elle-même pour pouvoir chercher à lui en donner un... le nôtre ?

    Et, puisque nous traitons actuellement du matérialisme, voici quelques lignes d'un philosophe dit "matérialiste" du XVIII° siècle : Helvétius (en fait, les thèses de cet auteur sont beaucoup plus proches de ce que nous appellerons le déterminisme social : pour Helvétius, l'homme est avant tout le produit de son éducation.)

    "Veut-on élever un magnifique monument ? il faut avant d'en jeter les fondements faire choix de la place, abattre les masures qui la couvrent, en enlever les décombres. Tel est l'ouvrage de la philosophie. Qu'on ne l'accuse plus de rien édifier." 

    Et Helvétius poursuit en note :

    On a dit longtemps des philosophes qu'ils détruisaient tout, qu'ils n'édifiaient rien : on ne leur fera plus ce reproche. Au reste, ces Hercule modernes n'eussent-ils étouffé que des erreurs monstrueuses, ils eussent encore bien mérité de l'humanité. L'accusation portée contre eux à cet égard est l'effet d'un besoin qu'en général les hommes ont de croire, soit des vérités, soit des mensonges. C'est dans la première jeunesse qu'on leur fait contracter ce besoin, qui devient ensuite en eux une faculté toujours avide de pâture. Un philosophe brise-t-il une erreur, on est toujours prêt à lui dire : par quelle autre la remplacerez-vous ? Il me semble entendre un malade demander à son médecin : "Monsieur, lorsque vous m'aurez guéri de la fièvre, quelle autre incommodité y substituerez-vous ?"

                   Helvétius, De l'homme (Section X, chapitre X), 1772.

  • Pour les TES : la méthodologie du développement est en ligne.

    Les consignes méthodologiques concernant le développement de la dissertation ont été mises en ligne ; vous les trouverez dans votre espace ou en cliquant ici. Il est (très) recommandé de consulter ces pages méthodologiques avant de faire votre première dissertation (ce qui ne saurait tarder...)

    Bonne lecture !