La réalité humaine

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La réalité humaine

Le Moi est le produit de la chance : une infime variation dans le cours des événements aurait abouti à son inexistence, à l'émergence d'un Autre, ce qui rend l'existence du Moi infiniment improbable. Il ne saurait donc y avoir de connaissance générale du Moi, de connaissance statistique de ce que je suis, d'appropriation de ce que je suis par mon immersion dans l'espace homogène de l'humanité. Car l'essence du Moi est justement sa singularité radicale, son caractère totalement insubstituable. C'est en tant qu'être unique que j'existe d'une existence infiniment improbable : assumer mon être, c'est donc assumer l'hétérogénéité. (« Sacrifices », texte 4)

La réalité apollinienne appelle toujours, comme sa mort ou son fruit, la poussière, l'ombre et les fantômes qui se nourrissent de la corruption du vivant ; ceux-ci sont combattus par la science et la technique, qui ne peuvent pourtant les éradiquer qu'en transformant l'homme en comptable. (« Documents »,texte 11)

L'homme cherche constamment à nier son corps et les parties les moins nobles de son être, sur lesquels il repose néanmoins et qui démentent perpétuellement ses aspirations idéalistes. (« Documents »,texte 12)

La véritable laideur est celle des hommes qui ne sont plus capables de supporter l'horreur. (« Documents »,texte 13)

Toute réalité individuelle, dans la mesure où elle échappe à la généralité, et donc à l'injonction de la forme rationnelle, est un monstre. (« Documents », texte 18)

La vie conçue selon le principe de dépense improductive est en adéquation avec l'essence de la matière en tant qu'autre de la rationalité logique, pôle de résistance à l'homogénéité quantitative, principe antithétique de l'entendement du dieu des philosophes. (« La critique sociale », texte 25)

La vie humaine est combat pour l'être, et non lutte pour l'existence. (texte 48)

L'expérience de l'être trouve son aboutissement, non dans une plénitude accomplie, mais dans l'anéantissement tragique impliquant l'absurde et la mort. Si le rire commun découle de la confrontation de l'absurdité de la vie réelle et de la plénitude d'une vie idéale, le rire absolu est celui qui oppose à l'idéal les profondeurs abyssales en lesquelles s'abîme toute existence. (texte 49)

Le rapport qu'il s'agit d'entreprendre avec le monde dit civilisé est une guerre, et cette guerre est religieuse. Ce monde réduit à l'utilité est le plus mesquin de tous les mondes, l'extase y est impossible ; l'homme y perd son être dans les avantages de la civilisation, car l'être de l'homme est indissociable de l'extase. La vie humaine est danse, feu et délire. Le monde civilisé n'est qu'une abstraction dont on ne peut se réclamer. Le combat contre lui implique de redonner à la vie humaine son essence de jeu, c'est-à-dire sa liberté, ce qui n'est possible que si l'homme rejette la dictature de l'idée, refuse le joug logocratique. La vie doit être tendue vers un être acéphale, fait d'innocence et de crime, qui est ce monstre que j'ai à devenir. Son sens n'est ouvert qu'aux âmes prophétiques. (texte 51)

Nietzsche ne peut être compris que par ceux qui ne ressemblent pas au dernier homme, cet homme de la réalité contemporaine, vidé de son être par son affairement utile. (texte 62) Le plus grand danger pour la vie humaine est que l'homme s'oublie dans le travail servile, inversant les fins et les moyens, pour échapper au labyrinthe au sein duquel la vie est épreuve de la mort. (texte 64)

La vie ne peut rester humaine que si elle assume le tragique qui conduit de la forêt dionysiaque à la ruine, et cesse de se dérober à l'horreur sacrée dans la souffrance, la fièvre et la joie. (texte 63)

La vie individuelle n'a de signification humaine que dans la mesure où elle incarne cet élan sans nom qui se répercute dans la violence, l'horreur, le rire et l'amour des multitudes. L'individu est à la fois ce qui manifeste cette profondeur sacrée et ce qui la masque. (texte 67)

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