La crise religieuse

La crise religieuse

(1922)

Dans ce texte, le but de Tillich est de faire apparaître ce qui, dans la situation actuelle, peut être interprété comme un ensemble de signes annonciateurs d'un nouveau surgissement de l'inconditionné dans le conditionné, d'un nouveau contenu (Gehalt) dans les formes de la réalité ; c'est donc ici qu'apparaît la notion-clé de Kaïros.

Tillich commence par montrer que cette situation est héritière du vaste mouvement d'autonomisation (déjà décrit) qui se déroule depuis la Renaissance ; il montre en quoi ce mouvement d'autonomisation est simultanément un mouvement d'individualisation, cette dualité se manifestant aussi bien dans la sphère proprement religieuse (texte 1a) que dans la sphère de la culture (texte 1b).

Le fait que ce processus d'autonomisation touche à son point d'aboutissement conduit Tillich à poser la question de l'imminence d'un nouveau surgissement du contenu dans les formes ; cette question ne saurait obtenir de réponse objective, ce surgissement de l'inconditionné échappant à tout mécanisme, à toute nécessité intra-mondaine, sa réalité ne pouvant en aucun cas être constatée sous une forme objectivée : "le destin s'approche en secret" (texte 2). Tout au plus est-il possible de tenter d'en discerner les signes au sein de la situation actuelle.

Ces signes, Tillich les recherche à la fois dans le domaine ecclésial (confessionnel), dans le domaine de la culture et dans le mouvement de la jeunesse. Le premier, pour des raisons propres aux institutions ecclésiales en général, et au protestantisme en particulier, résiste à ce discernement (texte 3a) ; mais la réalité culturelle laisse entrevoir les signes d'une remise en cause radicale des formes établies, ausi bien dans le domaine théorique (art, science, philosophie) que pratique ; en ce qui concerne ce dernier, c'est dans le socialisme que Tillich discerne la plus grande possibilité pour un nouveau surgissement de l'inconditionné, dans la mesure où en lui se manifeste (outre le rejet d'une aliénation technico-économique de l'ame) une aspiration à une forme nouvelle de communauté universelle (texte 3b). Mais Tillich insiste sur ce qui s'annonce ainsi ne se montre qu'en tant que possibilité, dont la réalisation dépendra des voies de concrétisation auxquelles aboutiront cette contestation et cette aspiration, qui peuvent s'échouer en une tentative visant à recréer un nouveau contenu en partant d'un renouvellement des formes, et non à s'ouvrir pleinement à l'inconditionné. Cette ambivalence se retrouve dans le mouvement de la jeunesse, dont l'effervescence subversive s'expose à la même alternative (texte 3c).

Quoi qu'il en soit, il faut se garder de toute approche visant à faire de l'advenue d'un nouveau kaïros un fait objectif, accessible à la pensée purement spéculative. Conformément à ce qu'a établi Tillich dans L'idée d'une théologie de la culture, il est impossible de dissocier ici le discours du théologien (ou du philosophe) de son expérience concrète de l'histoire dans sa réalité vivante, expérience au sein de laquelle interprétation et décision sont inextricablement mêlées. La saisie du kaïros dans l'histoire est indissociable d'une expérience existentielle, qui est à la fois épreuve de la réalité, interprétation de la réalité et décision en faveur de ce qui se laisse discerner dans l'interprétation (texte 4).

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